L'Assemblée unanime pour réguler les pratiques des influenceurs

Les pratiques des influenceurs pourraient bientôt être régulées.
Les pratiques des influenceurs pourraient bientôt être régulées. © Ali Balikci / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP
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avec AFP
Les députés s'orientent vers l'adoption unanime d'une proposition de loi transpartisane pour encadrer les pratiques commerciales controversées d'influenceurs sur les réseaux sociaux. Ce texte devrait permettre de "mettre des règles là où régnait surtout la loi de la jungle".

Concorde temporaire à l'Assemblée : les députés s'orientent vers l'adoption large et sans heurts jeudi d'une proposition de loi transpartisane pour encadrer les pratiques commerciales controversées d'influenceurs sur les réseaux sociaux, et mettre fin à la "loi de la jungle". Certains sont de véritables stars, pouvant peser sur les comportements de consommation de millions voire de dizaines de millions d'abonnés, quand d'autres ont une audience beaucoup plus modeste. Mais tous sont pris dans un maelström ces derniers mois.

Un texte mené par un binôme majorité-opposition

Partenariats rémunérés non explicites, exil fiscal ou accusations d'arnaques, la pression est montée pour réguler le comportement d'une partie d'entre eux, alors que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une étude accablante.

Les critiques très vives et très publiques du rappeur Booba contre la papesse des influenceurs Magali Berdah ont aussi contribué à mettre en lumière le sujet, celle-ci le qualifiant en retour de "harceleur". Meta (Facebook, Instagram) a également supprimé une série de comptes aux millions d'abonnés, dont ceux du couple Blata, visé par une action collective pour une vaste arnaque présumée.

 

Cas rare dans l'histoire parlementaire récente, un binôme majorité-opposition porte le texte. Arthur Delaporte (socialiste) entend "mettre des règles là où régnait surtout la loi de la jungle", et Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance) veut "dire aux victimes de ces dérives qu'elles ont été entendues". Comment définir un influenceur ? Ce sont "les personnes physiques ou morales qui mobilisent leur notoriété" pour promouvoir sur des réseaux sociaux ou plateformes des biens ou services en contrepartie d'un bénéfice économique ou d'un avantage en nature, indique leur proposition de loi, soutenue sur tous les bancs.

Chirurgie esthétique et jeux d'argent

Le texte, défendu aussi par la ministre des PME Olivia Grégoire, leur interdira un certain nombre de pratiques, à commencer par la promotion d'actes de chirurgie esthétique. Arthur Delaporte souhaitait initialement une interdiction bien plus large, concernant notamment la promotion de dispositifs médicaux et de compléments alimentaires. Il a obtenu un simple rappel : les influenceurs n'ont pas le droit de faire la promotion de remèdes fallacieux, qui mettraient en danger la santé de leurs abonnés.

 

En cas de manquement, les contrevenants encourront jusqu'à six mois de prison et 300.000 euros d'amende. Les promotions de certains placements financiers à risque, notamment dans le domaine du numérique ou des cryptomonnaies, seront également plus strictement encadrées.

Socialistes et insoumis n'ont pas réussi à réintroduire une interdiction stricte des promotions de jeux d'argent et de hasard, clé de voûte du business de certains influenceurs. Toutefois, il leur sera interdit d'en faire la promotion sur des plateformes qui ne permettent pas de restreindre l'accès de la vidéo aux majeurs. Sur YouTube par exemple, une vidéo peut être théoriquement interdite d'accès aux mineurs, un dispositif qui n'existe pas sur d'autres réseaux. La mesure ne réglera cependant pas tous les problèmes : "26% des adolescents jouent avec le compte de leurs parents", a fait valoir Arthur Delaporte.

Les influenceurs bien soumis à la loi Evin

Le texte grave également dans le marbre le fait que les influenceurs sont soumis à la loi Evin, qui interdit la promotion du tabac et encadre celle des boissons alcoolisées. Des députées de l'opposition et l'association Addictions France ont appelé à bannir purement et simplement la promotion d'alcool, mais en vain. Les députés de gauche ont tenté à maintes reprises d'interdire ou d'encadrer très strictement la promotion de nourritures ou boissons trop sucrées, salées, ou comprenant trop de produits de synthèse.

Le socialiste Dominique Potier a fini par arracher, à une voix près, l'interdiction pour les mineurs de moins de seize ans de faire la promotion de ce type de produits, visant par là les adultes qui mettent en scène leurs enfants pour ce type de promotions. La proposition de loi devrait être adoptée en première lecture dans la soirée, puis devra être examinée par le Sénat.