Achat de votes à Corbeil-Essonnes : le parquet financier demande un procès, notamment pour l'actuel maire

Jean-Pierre Bechter, maire de Corbeil-Essonnes.
Parmi les huit suspects figurent l'actuel maire de la ville Jean-Pierre Bechter. © BERTRAND LANGLOIS / AFP
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avec AFP , modifié à
Le parquet national financier a demandé mercredi le renvoi en correctionnelle de huit personnes, dont l'actuel maire de la ville, Jean-Pierre Bechter, pour financement illicite de campagne.

Le parquet national financier demande un procès en correctionnelle pour huit personnes soupçonnées d'avoir pris part au système d'achats de votes à Corbeil-Essonnes, l'ex-fief électoral de Serge Dassault, mort en 2018, a-t-on appris jeudi de sources concordantes, confirmant une information de France Inter.

L'actuel maire parmi les suspects. Parmi ces huit suspects figurent l'actuel maire de la ville Jean-Pierre Bechter, à qui Serge Dassault avait demandé de se présenter après avoir été frappé d'inéligibilité. L'ancien milliardaire, mis en examen pendant l'enquête, étant décédé l'an passé, l'action publique est éteinte à son encontre. Deux ex-adjoints à la mairie, Jacques Lebigre et Cristela de Oliveira, un comptable suisse proche de Serge Dassault, Gérard Limat, et des intermédiaires présumés du système sont également sous la menace du procès voulu par le PNF.

Un autre suspect décédé. L'un de ces derniers, Mamadou Kébé, est décédé en janvier. Une source proche du dossier a expliqué à l'AFP que le parquet national financier avait tout de même requis son renvoi faute de pièce pouvant certifier sa mort. Sitôt celle-ci confirmée, l'action publique sera également éteinte à son encontre.

"Un système cohérent" pour influencer le vote. Dans le réquisitoire définitif de 141 pages dont l'AFP a eu connaissance, daté du 22 février, le parquet relève qu'"il est possible de deviner dans l'entrelacs des faits un système cohérent, ayant pour but d'influencer le vote des électeurs". Les investigations ont permis de mettre au jour trois méthodes pour y parvenir : l'intermédiation d'un maire adjoint chargé de distribuer des fonds, des remises d'espèces alimentées par des comptes occultes à l'étranger et les retours en espèces de fonds envoyés au préalable à l'étranger.

Le PNF souhaite par exemple que Jean-Pierre Bechter soit jugé pour recel d'achats de votes et acceptation d'un don électoral au-delà du plafond autorisé, évalué à 7 millions d'euros de la part de Serge Dassault pour les municipales de 2009 - invalidées par le Conseil d'État - et 2010. Pour Jacques Lebigre et Cristela de Oliveira, il réclame notamment un procès pour complicité d'achats de votes, complicité, recel et blanchiment de financement illicite de campagne électorale. S'y ajoutent pour cette dernière, le blanchiment de fraude fiscale et l'acceptation d'un don électoral au-delà du plafond autorisé.

Plus de quatre ans d'enquête. Après plus de quatre ans d'enquête, les juges d'instruction avaient annoncé fin juillet 2017 la fin de leurs investigations. Ils avaient mis en examen Serge Dassault pour achats de votes, blanchiment et complicité de financement illicite de campagne électorale. Celui-ci avait vu ses déboires, démarrés avec l'invalidation de son élection de mars 2008, s'accélérer quand la cellule antiblanchiment de Bercy, Tracfin, avait transmis en 2010 au parquet une note sur des mouvements de fonds sur le compte de Jacques Lebigre.

Lors d'une perquisition au Clos des Pinsons, résidence et QG politique de Serge Dassault à Corbeil, deux listes avaient été retrouvées, avec plus d'une centaine de noms et des sommes sous des colonnes "payé" et "non payé" et des commentaires : "soutien sortie détention", "permis de conduire"... L'ancienne troisième fortune française avait toujours nié un scénario d'achats de voix, évoquant des dons ou se présentant comme victime d'extorsions.