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Alexis Patri , modifié à
Au micro d'Isabelle Morizet dans l'émission "Il n'y a pas qu'une vie dans la vie" samedi, le coureur automobile Romain Grosjean revient sur son parcours personnel et professionnel. Et notamment sur son impressionnant accident du 29 novembre 2020 sur le Grand Prix de Formule 1 de Bahrein, où il a failli perdre la vie.
INTERVIEW

La mort en face. C'est le titre qu'a choisi l'ancien pilote de formule 1 Romain Grosjean pour raconter, dans un livre co-signé avec sa compagne Marion Jollès-Grosjean, le violent accident qu'il a vécu le 29 novembre 2020 sur le Grand Prix de Formule 1 de Bahrein. Un évènement dont il n'aurait, en toute logique, pas dû sortir vivant, et que le miraculé détaille dimanche au micro d'Isabelle Morizet, à l'occasion de son invitation dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, sur Europe 1.

Un accident de moins d'une seconde

"En sortant du virage numéro 2, j'ai vu une opportunité de dépasser trois voitures devant moi, qui étaient justement mal sorties de ce virage. J'avais plus de vitesse qu'elle. Mais, sur ma droite, Daniil Kvyat est dans mon angle mort depuis le virage numéro 1. Ce qui n'arrive jamais. Je regarde dans le rétroviseur. Il n'y a rien. Je regarde une deuxième fois. Il n'y a rien. C'est le parfait angle mort", décrit le pilote, aujourd'hui reconverti dans la compétition d'indycar.

"Je n'ai pas compris ce qui s'était passé", poursuit-il. "D'ailleurs, les chiffres parlent pour moi : il y a six dixièmes de seconde entre la touchette avec Daniil et le mur, et trois dixièmes de seconde entre le muret et le moment où la voiture s'arrête. On parle donc de moins d'une seconde pour passer d'une ligne droite où tout va bien, à vouloir doubler trois voitures, à être est dans une situation un peu compliquée."

Une pression d'accélération de 67 G

La "touchette" évoquée par Romain Grosjean a lieu à 192 km. Il encaisse alors une pression d'accélération de 67G. Il faut imaginer que les pilotes de chasse peuvent supporter jusqu'à 9G, soit 9 fois le poids de leur corps. Romain Grosjean aurait donc dû perdre connaissance face à cette force démesurée. Pourtant, il ne s'évanouit pas. "C'est un miracle. Ça fait partie des miracles de ce jour-là, auxquels il n'y a pas d'explication. A 67 G, On est censé perdre conscience", confirme celui qui est désormais consultant en F1 pour Canal+.

La force de l'impact disloque en deux la voiture de Romain Grosjean. Mais, s'il reste heureusement conscient, il ne comprend pas immédiatement l'urgence de s'extraire de son véhicule. "Je me détache tout de suite, j'essaie de sortir de la voiture, mais je suis bloqué. Ma première réflexion est que je dois être sur le toit ou de côté contre le rail de sécurité. Je suis bloqué, je me dis que je vais attendre que l'on vienne m'aider", explique.

Mais le pilote regarde autour de lui et observe très vite que la "couleur est bizarre" et que "tout devient tout orangé". "Je réalise qu'il y a le feu et je commence à en entendre le bruit. Je comprends qu'il faut que je trouve une solution pour sortir. J'essaie à plusieurs de trouver l'issue : impossible", raconte-t-il, avant de confier que "la pensée qui suit, c'est que ça va se terminer aujourd'hui."

Un pied coincé dans les pédales

Les languettes de la visière de son casque se mettent alors à fondre. La vue de Romain Grosjean se brouille. "Au moment où je trouve enfin la sortie, je me rends compte que ma jambe est coincée au fond du cockpit. Il faut que je redescendre dans la voiture pour tirer sur ma jambe aussi fort que je le puisse, car ma chaussure est restée dans la pédale de frein", précise-t-il.

Le pilote plonge à nouveau dans le véhicule en feu et parvient à dégager son pied de la pédale de décélération. "Je suis finalement sorti avec une chaussure au pied droit et seulement la chaussette du côté gauche", indique-t-il.

1% de chance de s'en sortir

Cette description de Romain Grosjean de son accident,  aussi technique que pudique, masque cependant ce qui se passe alors dans sa tête. "Je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. Je n'avais pas le choix, il fallait trouver sortie. Je revois encore l'image de mon gant gauche devenant noir et brûlant, et la douleur qui va avec. Mais, si je ne dégageais pas mon pied gauche, ce n'est pas la main qui allait fondre. C'est mon corps entier", avance-t-il d'abord.

"Ces 28 secondes ont duré 1min30 pour moi, tellement il y avait de pensées à ce moment-là. Tout va au ralenti. Ces pensées ont dû durer des millisecondes. Mais pour moi, elles sont venues presque doucement, les unes après les autres", précise-t-il ensuite. "Je ne me suis pas rendu compte de l'impact visuel de l'accident, jusqu'à le voir le lundi matin. Et là, j'ai compris. Ce n'est pas un miracle, c'est une succession de miracles. Si on refasait cet accident 100 fois, le pilote ne s'en sortirait pas dans 99% des cas." Le miracle de Romain Grosjean aura été d'être ce 1%.