L'équipe de foot, l'autre mercato de l'Assemblée nationale

Eric Woerth football
Eric Woerth est un "travailleur infatigable sur le terrain" © PATRICK HERTZOG / AFP
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Qui dit renouvellement de l'Hémicycle dit aussi renouvellement des effectifs de l'équipe de football. Le sélectionneur Régis Juanico est à la recherche de nouvelles recrues. 

À l'Assemblée nationale, les motifs d'inquiétude des députés qui arpentent la Salle des Quatre Colonnes et celle des Pas-perdus sont légion. Les nouveaux cherchent leur place dans l'Hémicycle, ceux d'extrême droite cherchent un groupe, quand ceux de droite en ont trop. Et Régis Juanico, lui, réfléchit à la prochaine sélection de l'équipe de football du Palais Bourbon.

L'élu PS, qui a réussi à sauver sa circonscription de la Loire sur le fil, est le "Didier Deschamps" de la sélection, la 17e nationale, homologuée par la Fédération française de football. Un homme "un peu seul" et "bien embêté" alors que beaucoup de ses joueurs sont "tombés au combat".

Beaucoup manquent à l'appel. À commencer par Eduardo Rihan Cypel, ancien élu socialiste de Seine-et-Marne, battu dès le premier tour. Il était de ces piliers sur lesquels on peut compter –et on n'en attendait pas moins d'un député d'origine brésilienne-, mais aussi co-sélectionneur. Il y a aussi Lionel Tardy, battu en Haute-Savoie, et dont la présence au poste de gardien est déjà regrettée. "Il était excellent, il occupait bien la cage", se lamente Régis Juanico. "Et son remplaçant, Christophe Cavard, ne fait lui aussi plus partie de l'Assemblée", après une défaite au premier tour dans le Gard. Le sélectionneur ne peut plus, non plus, compter sur Alexis Bachelay, Christian Assaf, Christophe Borgel, Razzy Hammadi, Hervé Feron ou encore Guillaume Chevrollier. L'incertitude demeure autour de François Baroin, -une exception puisqu'il est sénateur-, qui a annoncé qu'il préférait se consacrer à sa ville. "Il court beaucoup, il faisait partie des bons", soupire Régis Juanico.

" Lionel Tardy était un excellent gardien, il occupait bien la cage. François Baroin court beaucoup, il faisait partie des bons. "

"Si Édouard Philippe veut venir transpirer avec nous"… Autre perte notable : Édouard Philippe, devenu Premier ministre, qui perd donc, en théorie, le droit de jouer dans l'équipe parlementaire. "On est très attachés à la séparation des pouvoirs, comme vous le savez", glisse Régis Juanico. Même s'il y a eu quelques exceptions. Thierry Braillard "a fait une pige sur le dernier match", alors qu'il était secrétaire d'État aux Sports. "Si Édouard Philippe veut revenir transpirer avec nous, on l'accueillera avec beaucoup de plaisir", admet Régis Juanico. D'autant qu'il est "un véritable atout sur le plan physique, il mesure quand même 1,94 m".

Eric Woerth, "travailleur infatigable sur le terrain". Mais un éventuel retour sur la pelouse du locataire de Matignon ne suffira pas. Pour épauler ceux qui restent encore, comme Eric Woerth, "travailleur infatigable sur le terrain", Gwendal Rouillard, "bon technicien en milieu de terrain", François-Michel Lambert "qui a quand même évolué en CFA ou CFA 2", ou encore "l'ineffable Marc Le Fur", "il faut que je retrouve des joueurs qui soient capables de pouvoir occuper un certain nombre de postes stratégiques", confie Régis Juanico.

"Robert Pirès m'a fait très mal". Notamment en attaque, où l'effectif est décimé, et dans le but. "Du gardien dépend un peu le niveau des dérouillées qu'on va se prendre", admet le sélectionneur. Il est vrai qu'en deux matchs contre le Variétés Club de France, l'équipe de l'Assemblée a essuyé de lourdes défaites, même si avec 1-12 en 2014 puis 1-6 en 2015, la progression était notable. À la décharge des parlementaires, qui n'hésitent pas d'ailleurs à "tricher un peu" en faisant jouer également leurs collaborateurs, "plus jeunes et en meilleur condition physique", "en face, ça se défend". Le Variétés Club de France, qui rassemble des personnalités médiatiques et d'anciennes gloires du football, a déjà aligné Christian Karembeu ou Claude Makélélé aux côtés de Patrick Bruel et M. Pokora. "Et Robert Pirès, qui m'a fait très, très mal dans le but", se souvient Régis Juanico, également gardien remplaçant.

" Du gardien dépend un peu le niveau des dérouillées qu'on va se prendre. Robert Pirès m'a fait très, très mal dans les buts. "

Objectif : recruter de Rugy. Pour renforcer son effectif, l'élu socialiste compte faire comme d'habitude : poster une petite annonce pour attirer les volontaires. Dans son viseur : François de Rugy, nouveau président de l'Assemblée nationale. Parce qu'avoir le plus haut personnage du Palais Bourbon dans l'équipe, c'est la classe. Brigitte Bourguignon, qui était aussi candidate pour le Perchoir, fait déjà partie de la sélection (mixte, donc). "C'est vrai que cela aurait été parfait pour nous qu'elle soit élue présidente", reconnaît Régis Juanico, qui ne perd pas espoir. "François de Rugy ne se désintéresse pas du sport, on a travaillé ensemble sur des textes de loi qui portaient sur le supporterisme."

"Repérer les ex-footballeurs". Autre cible : les députés REM, qui non seulement sont nombreux, mais en plus sont souvent jeunes. "Je n'ai pas encore eu le temps en une semaine de repérer les ex-footballeurs ou les gabarits qui nous permettraient de tenir la route", explique Régis Juanico. Tout au plus a-t-il noté la présence d'"un prof d'EPS dans [sa] commission culturelle". "Il faut que j'aille l'entreprendre le plus vite possible." En ce qui concerne les élus Front national, le sélectionneur est plus réservé. "Je ne sais pas s'ils sont très sport", glisse-t-il. "Déjà dans la campagne présidentielle, je n'ai pas été impressionné par le contenu et le nombre de propositions sur le sport" de leurs candidats. Louis Aliot, longtemps rugbyman, en défense centrale, ça pourrait se tenter, non ?

Kilos en trop et manque de technique. Les phases de tests ne sont pas très sélectives. Kilos en trop ou manque de bases techniques ne sont pas un frein, ce qui explique d'ailleurs parfois des prestations "un peu comiques". L'attribution des postes sur le terrain devrait mieux se dérouler que celle des places au Bureau ou à la questure de l'Assemblée. "C'est l'œil du coach qui compte", explique Régis Juanico. Et le coach n'est autre que Guy Roux, ancien joueur. "Il profite souvent de la petite phase d'échauffement avant les matchs pour repérer son équipe-type."

" On ne fait jamais d'entraînement en fait. Ce qui explique peut-être nos résultats. "

Un à deux matches par an. Pour convaincre les députés de rejoindre son équipe, Régis Juanico insiste notamment sur le fait que ce n'est pas très chronophage. Un match ou deux par an, contre le Variétés Club de France, ce qui permet de récolter des fonds à des fins caritatives, ou contre l'équipe des Journalistes, ce qui permet de tacler (entre autres) Gérard Davet et Fabrice Lhomme, qui n'épargnent pas les politiques dans leurs enquêtes. Et les entraînements ? "On ne fait jamais d'entraînement en fait, on se découvre les jours de match", lâche Régis Juanico. "Ce qui explique peut-être nos résultats."