Bayrou, Lecornu, inéligibilité... 2025, une très dense année politique
Entre des changements à Matignon, des gouvernements qui tombent, une Assemblée toujours plus divisée et des décisions de justice qui ont fait réagir, Europe 1 revient sur une année politique 2025 mouvementée.
Le livre de l'année 2025 est sur le point de se refermer. Lors de ses vœux du 31 décembre 2024, Emmanuel Macron avait reconnu que sa décision de dissoudre l'Assemblée avait apporté "plus de divisions que de solutions". Il avait également adressé des vœux à François Bayrou, son nouveau Premier ministre, qui avait comme mission de doter la France d'un budget. 12 mois plus tard, les choses ont bien évolué.
Janvier-Février, débats et adoption du budget de l'État et de la Sécurité sociale
Dès le début de son passage à Matignon, François Bayrou a la lourde tâche de négocier avec les députés un budget pour l'État et un projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2025. Une loi spéciale pallie temporairement l'absence d'un budget. Le temps presse alors pour le chef du gouvernement qui multiplie les consultations politiques.
Le Premier ministre ne sollicite pas de vote de confiance après son discours de politique générale. La motion de censure, déposée par la France insoumise, est rejetée par manque de voix venant du RN et du Parti socialiste. Le 31 janvier, députés et sénateurs, réunis en Commission mixte paritaire, se mettent d'accord sur un texte pour le projet de loi de finances 2025.
Le 3 février, François Bayrou engage la responsabilité de son gouvernement en utilisant l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter les budgets de l'État et de la Sécurité sociale. Le 5 février, la motion de censure déposée contre l'exécutif est rejetée. Le lendemain, le Sénat adopte le budget (219 votes pour et 107 contre). Le 14 février, la loi de finances est promulguée au Journal officiel.
31 mars, Marine Le Pen condamné à cinq ans d'inéligibilité
Ce début d'année 2025 est difficile pour la présidente des députés du Rassemblement national. Marine Le Pen est jugée puis reconnue coupable par le tribunal correctionnel de Paris, le 31 mars, de détournement de fonds publics et de complicité de détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires du Front national au Parlement européen.
Elle est condamnée à quatre ans de prison, dont deux ans ferme, aménagés sous forme de détention électronique à domicile, mais aussi à cinq d'inéligibilité avec exécution provisoire. Une décision qui, malgré l'appel, n'est pas suspensive. Au moment de l'annonce, Marine Le Pen est donc empêchée de se présenter en 2027.
Le soir même, Marine Le Pen est invitée du journal de 20h de TF1 et fustige une "décision politique" : "L'État de droit a été totalement violé par la décision qui a été rendue", ajoutant qu'"aucun juge ne peut interférer dans une élection présidentielle".
Dans la première semaine d'avril, des manifestations se déroulent dans plusieurs villes de France en soutien à la candidate à la présidentielle de 2022. Le 8 septembre, la cour d'appel de Paris a annoncé que le procès en appel se tiendra du 13 janvier au 12 février.
Mi-juillet, François Bayrou annonce les contours du futur budget 2026
Durant l'année, François Bayrou tente de faire passer quelques projets de loi. Il annonce un conclave sur les retraites, engage des consultations autour d'un projet de loi pour instaurer une part de proportionnelle pour les élections législatives. Mais c'est à la mi-juillet que les choses vont réellement se compliquer pour le chef du gouvernement.
Le Premier ministre met les pieds dans le plat en présentant les premières lignes du futur budget pour l'année 2026. Le locataire de Matignon prévoyait plus de 40 milliards d'euros d'économies, ramener le déficit du PIB à 4,6% en 2026 et même la suppression de deux jours fériés.
Des annonces qui provoquent la colère des députés mais également du peuple. C'est à ce moment que naît le mouvement "Bloquons tout" qui voulait instaurer une grande journée de grève le 10 septembre. Le Premier ministre sait que le budget sera difficile à faire adopter.
Le 8 septembre, François Bayrou face au vote de confiance
Face à cette situation, lors d'une conférence de presse le 25 août, le Premier ministre fait une annonce qui surprend : il convoquera une session extraordinaire le 8 septembre prochain pour demander un vote de confiance à l'Assemblée nationale le 8 septembre.
Avec cette décision, François Bayrou voulait mettre le Parlement face à ses responsabilités. Jusqu'à cette date, le Premier ministre apparaîtra régulièrement sur les différents médias pour répéter l'importance de maîtriser les dépenses et les dangers du surendettement.
Vient la date du 8 septembre. François Bayrou prononce son discours de politique générale, mais son sort est déjà scellé. Le RN, LFI, le PS et les Écologistes avaient annoncé qu'ils ne voteraient pas la confiance. Le résultat est sans appel : 364 votes contre, 194 pour. En application de l'article 50 de la Constitution, le Premier ministre doit remettre la démission de son gouvernement au Président de la République. Il le fera le lendemain.
Le 9 septembre, Sébastien Lecornu est nommé à Matignon
Quelques heures après la remise de la démission du gouvernement de François Bayrou, le chef de l'État décide de nommer Sébastien Lecornu, ministre des Armées depuis 2022. Le nouveau chef du gouvernement mène des consultations avec les différents partis politiques en vue de la nomination de son gouvernement.
Après plus de 25 jours de négociations, le 5 octobre, le gouvernement de Sébastien Lecornu est officiellement annoncé et voit le retour de Bruno Le Maire aux affaires et de 12 des 18 ministres sortants. Une composition qui ne plaît pas à Bruno Retailleau, pourtant reconduit à Beauvau, qui déclare que ce gouvernement "ne reflète pas la rupture promise".
Les partis de l'opposition fustigent ce gouvernement. Éric Ciotti et Fabien Roussel estiment que c'est "un bras d'honneur aux Français", Jordan Bardella évoque déjà "la censure", Mathilde Panot appelle à la démission d'Emmanuel Macron, quand pour Jean-Luc Mélenchon, ce gouvernement est "un cortège de revenants".
Le 25 septembre, Nicolas Sarkozy dénonce une décision «d'une gravité extrême pour l'État de droit» après sa condamnation
Pour la première fois de l'histoire de la République française, un ancien président est emprisonné. Nicolas Sarkozy est condamné pour association de malfaiteurs à cinq ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé, assorti de l'exécution provisoire, dans l'affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. L'ex-président dénonce alors une condamnation "d'une gravité extrême pour l'État de droit". "La haine n'a donc décidément aucune limite", ajoute-t-il, promettant de se battre "jusqu'à [son] dernier souffle pour prouver [sa] complète innocence".
Bien qu'il ait fait appel de la décision, Nicolas Sarkozy apprend qu'il sera incarcéré à la prison de la Santé dès le 21 octobre. Au total, il y restera 20 jours. Le 10 novembre, la cour d'appel de Paris a autorisé la libération de prison de Nicolas Sarkozy, qui est placé sous contrôle judiciaire. Son livre Le Journal d'un prisonnier, qui raconte ses trois semaines de détention, s'est écoulé à plus de 140.000 exemplaires.
Le 6 et le 10 octobre, le Premier ministre s'en va... pour mieux revenir
Face à la menace du départ des ministres Les Républicains de son gouvernement, Sébastien Lecornu annonce sa démission, moins de 14 heures après sa nomination, ce qui fait de lui le gouvernement le plus éphémère de l'histoire de la République française.
Le président de la République accepte la démission d'un de ses plus fidèles lieutenants, mais il lui demande de mener d'ultimes négociations, jusqu'au 8 octobre, avec les partis pour aboutir à une "plateforme d'action". Ce qu'acceptera de faire Sébastien Lecornu. À ce moment-là, même en cas de succès, le Premier ministre démissionnaire refuserait d'être renommé à Matignon.
Plusieurs noms de personnalités politiques pour succéder à Sébastien Lecornu circulent dans la presse, comme Olivier Faure, ou encore Jean-Louis Borloo. Le 10 octobre, la nouvelle tombe. Le successeur de Sébastien Lecornu est... Sébastien Lecornu.
Si 12 des 18 ministres nommés dans le premier gouvernement sont reconduits, il y a tout de même quelques nouveautés : Laurent Nunez à l'Intérieur, Jean-Pierre Farandou ministre du Travail ou encore Monique Barbut ministre de la Transition écologique.
14 octobre, discours de politique générale de Sébastien Lecornu
Quelques jours après la nomination de son second gouvernement, Sébastien Lecornu a prononcé son discours de politique générale à l'Assemblée nationale. C'est là que le Premier ministre annonce la suspension de la réforme des retraites, une des demandes de la gauche, et qu'il n'utilisera pas le 49.3. Une manière de garantir "les débats" à l'Assemblée.
Il annonce également une "contribution exceptionnelle des grandes fortunes", des hausses d'impôts "ciblées et exceptionnelles pour certaines très grandes entreprises" ainsi que des baisses d'impôts pour les petites entreprises. Il ajoute que la copie de budget du gouvernement est "perfectible".
Le 16 octobre, la motion de censure déposée contre le gouvernement est rejetée à 18 voix près. L'exécutif peut désormais se mettre au travail pour doter la France d'un budget. Une mission qui se révélera aussi difficile pour Sébastien Lecornu que cela ne l'avait été pour ses prédécesseurs depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en 2024.
Octobre à décembre, Sébastien Lecornu mène des négociations autour des budgets
Avec sa décision de ne pas utiliser l'article 49.3 de la Constitution, Sébastien Lecornu mène des négociations au sein de l'Assemblée nationale pour obtenir le vote des députés, notamment du Parti socialiste qui avait pourtant voté la censure du gouvernement de Michel Barnier moins d'un an auparavant.
Le Premier ministre le dit et le répète : il est certain qu'un compromis est possible à l'Assemblée nationale. Le 8 novembre, les députés adoptent d'une manière serrée la partie recette du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le 5 décembre, c'est la partie recette qui a été votée. Le PLFSS est finalement adopté par le Parlement le 16 décembre, une victoire pour Sébastien Lecornu.
Concernant le budget de l'État, les débats sont tout aussi difficiles que pour le PLFSS. Des milliers d'amendements sont déposés et débattus. À la mi-décembre, le Sénat adopte une version modifiée du texte, avec des modifications sur les recettes fiscales notamment. Le texte doit revenir ensuite à l'Assemblée.
19 décembre, la CMP échoue, la loi spéciale est inévitable
Une Commission mixte paritaire est formée pour trouver un compromis entre les députés et les sénateurs sur le projet de loi de finances pour 2026. Mais ces derniers n'arriveront pas à se mettre d'accord sur une version commune qui conviendrait aux deux Chambres.
Comme à la fin de l'année 2024, le gouvernement doit faire adopter à l'Assemblée nationale et au Sénat un projet de loi spéciale qui reprend le budget de l'année 2025 temporairement pour garantir le bon fonctionnement de l'État au 1er janvier.
Cette loi spéciale est adoptée au Parlement le 23 décembre. Ce même jour, Sébastien Lecornu s'exprime dans la cour de Matignon. Le Premier ministre a affirmé sa volonté de donner un budget à la France, une chose qu'il croit possible si les "calculs politiques sont mis de côté". Le 27 décembre, la loi spéciale est promulguée au Journal officiel.
Ainsi donc s'achève l'année politique 2025. Comme il y a un an, l'instabilité politique règne dans le pays, un rien peut faire tomber un gouvernement et la France n'a toujours pas de budget dans les temps.