Entre Fiat et Renault, de la friture sur la ligne

À peine annoncé, le mariage de Renault et Fiat bat de l'aile, fragilisé par des désaccords.
À peine annoncé, le mariage de Renault et Fiat bat de l'aile, fragilisé par des désaccords. © Montage via photos AFP
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Nicolas Barré , modifié à
Annoncée en fanfare, la fusion de Fiat et Renault est finalement rendue difficile par des désaccords autour des conditions financières, mais aussi de la gouvernance.
ON DÉCRYPTE

Le mariage entre Renault et Fiat risque-t-il de tomber à l'eau, juste après la publication des bans ? Les réserves montent côté français. Ce qui les fait tiquer ? La valeur retenue pour fusionner les deux groupes. Très concrètement, pour calculer les termes de la fusion, les Italiens se sont basés sur le cours de Bourse de Renault à la veille de l'annonce du projet, c'est à dire le 24 mai. L'action Renault valait ce jour là 51,70 euros. Un scandale, pour beaucoup côté français.

L'action de Renault au plus bas

Car l'action Renault est au plus bas depuis 5 ans, lourdement pénalisée par l'affaire Ghosn. Elle est d'ailleurs rarement tombée sous la barre de 70 euros. "C'est un hold-up à l'italienne !", disent certains dirigeants français. Qui ajoutent aussi qu'en se mariant à ce prix-là, Fiat va mettre la main sur les 43% que Renault détient dans Nissan sans débourser un centime. Bref, pas question pour eux d'accepter le mariage dans des conditions aussi désavantageuses.

Cette vision des choses est évidemment contestée côté italien, où l'on note que le cours de l'action de Fiat n'est pas non plus au plus haut. En outre, les Français oublient un détail : pour que la fusion se fasse sur une base 50-50, alors que la valeur actuelle des deux donnerait plutôt 55-45 en faveur des Italiens, Fiat va volontairement réduire sa valeur en distribuant 2,5 milliards d'euros à ses actionnaires. Enfin, s'agissant de Nissan, les Italiens estiment, en forçant le trait, que de toute façon l'alliance a du plomb dans l'aile et ne présente donc pas autant d'intérêt que ce que veulent bien croire les Français.

Des désaccords de gouvernance

Il est donc clair qu'à ce stade, le mariage est loin d'être bouclé. En réalité, c'est le début d'une négociation. Sur les conditions financières, d'abord. Mais aussi la gouvernance : l'État français, avec 7,5% du capital du futur groupe, comme Nissan, voudra un siège au conseil d'administration. Les Italiens, eux, préféreraient qu'il reste en dehors. L'affaire est déjà politique : le leader de l'extrême droite italienne et ministre de l'Intérieur transalpin, Matteo Salvini, a déjà prévenu qu'il voudra avoir un droit de regard. On ne sait pas encore sous quelle forme.

La question du siège opérationnel du groupe se pose aussi. Le siège juridique serait aux Pays Bas, comme Airbus, qui a son siège opérationnel à Toulouse. Celui du nouveau groupe issu de la fusion sera-t-il en France ? En Italie ? Ce ne sont pas des détails. Ce mariage s'annonce comme une course d'obstacles.

 

La France favorable mais prudente. Le conseil d'administration de Renault se réunira mardi pour répondre à la proposition de fusion formulée par Fiat Chrysler. L'Etat français, premier actionnaire de Renault, a déjà exprimé son soutien, mais reste vigilant. Ce projet "est une réelle opportunité pour Renault et pour l'industrie automobile française", a déclaré vendredi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire. Mais il a souligné qu'il "veillera(it) au strict respect de quatre conditions : le respect de l'alliance Renault Nissan, la préservation des emplois et des sites industriels, une gouvernance équilibrée et la participation du futur groupe au projet européen de batterie électrique".