Assurance-chômage, formation professionnelle : les syndicats et le patronat posent d’emblée leurs conditions

Les représentants des syndicats et du patronat ont défilé toute la journée à l'Élysée.
Les représentants des syndicats et du patronat ont défilé toute la journée à l'Élysée. © AFP
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avec AFP , modifié à
Après leurs réunions préliminaires avec Emmanuel Macron, les syndicats ont déjà adressé de premières mises en garde au président, sur le fond et sur la forme.

"Cordiales mais fermes" : c’est ainsi que Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a décrit l’atmosphère des premières réunions de négociation avec Emmanuel Macron à propos des réformes de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Représentants des syndicats de travailleurs et du patronat ont défilé toute la journée à l’Élysée avant de faire le point sur leurs accords et désaccords, sur le perron.

Vigilance sur la méthode

Philippe Martinez a surtout critiqué la méthode Macron. "L'épisode précédent ne nous a pas satisfait tant sur le fond que sur la forme", a-t-il lancé. Publiées fin septembre, les ordonnances de la réforme du code du travail sont déjà entrées en vigueur. Une loi de ratification doit intervenir dans les prochains mois. "J'ai rappelé au président de la République que se voir c'est bien, discuter ça sert toujours, mais que nous n'avons pas des têtes d'alibi", a expliqué Philippe Martinez.

"Si c'est une négociation, cela veut dire qu'on a un texte, qu'on discute d'un texte (…) que notre texte va être versé à la négociation", a dit le leader de la CGT. "Mais si c'est juste pour nous voir une heure sept fois en octobre-novembre et qu'à la fin le texte soit celui du gouvernement et qu'on le découvre deux heures avant vous (les journalistes), nous ne sommes pas d'accord", a-t-il martelé, concluant : "Il faut des (rencontres) multilatérales". Une demande appuyée par François Hommeril, le président de la CFE-CGC, le syndicat des cadres, qui a critiqué ces réunions bilatérales, "pas adaptées" selon lui. En revanche, le patron du Medef Pierre Gattaz a approuvé la méthode du président : "On tourne en rond depuis 20, 30 ans. On peut enfin se dire qu’on va sortir de ce cercle vicieux (…) cet enfer du chômage".

Assurance-chômage : pas touche aux droits actuels

Le président de la CFE-CGC, François Hommeril, craint des "effets d'aubaine" et une facture salée si les démissionnaires sont indemnisés par l'assurance chômage comme le prévoit Emmanuel Macron. "Il suffira qu'un matin ou un après-midi quelque chose se passe mal dans son travail pour que le salarié démissionne le soir-même (...) il saura qu'il ne prend pas le risque de se retrouver au chômage non indemnisé", a-t-il ajouté. "Il y a des centaines de milliers de personnes qui sont au bord de cette rupture-là".

La plupart des représentants syndicaux ont également rappelé que l’extension du régime aux indépendants et aux démissionnaires ne devait pas se traduire par une baisse des allocations ou une explosion des coûts. Philippe Martinez a indiqué qu'il n'était "pas question de réduire les droits des privés d'emplois" et a demandé des clarifications sur " la notion de travailleur indépendant". Alain Griset, président du patronat des artisans, des commerçants et des professions libérales (U2P), a mis en garde contre de nouveaux droits qui ne seraient pas "suffisamment cadrés", "pour pas qu'on ait des dérives trop fortes sur le plan financier".

Toujours sur le sujet de l’extension de l’assurance-chômage, Pierre Gattaz a affirmé n’être "pas contre philosophiquement", mais souligne "un petit problème économique". S'il ne veut "surtout pas baisser les indemnités pour les chômeurs", il note que l'extension induirait une "rerépartition" des droits, sachant que, de son point de vue, il "n'est pas question qu'on augmente le coût du travail" pour financer les nouveaux bénéficiaires. Il a aussi appelé à prendre des mesures pour "inciter au travail", comme un renforcement du "contrôle sur la recherche d'emploi".

Pas remettre en question le caractère solidaire du dispositif actuel

Quant à la volonté de l’État de reprendre en main le régime, elle inquiète les deux camps. François Hommeril a rappelé sa "ligne rouge" : "une étatisation du système (…) qui reviendrait à remettre en question le caractère contributif, assurantiel et solidaire du dispositif actuel". Pour Jean-Claude Mailly, numéro un de Force ouvrière, "quand on gère à trois, c'est toujours deux contre un et ça tourne, donc je ne pense pas que ce soit le meilleur système". Enfin, Pierre Gattaz s'est dit "un peu réservé" sur cette réforme de gouvernance, estimant qu'il "faut donner la chance aux partenaires sociaux de continuer de négocier l'assurance-chômage dans un cadre défini par l'État".

Formation professionnelle : une négociation réclamée

Jean-Claude Mailly a beaucoup insisté sur la question de la formation professionnelle et réclamé à Emmanuel Macron "une négociation" entre syndicats et patronat, en amont de sa future réforme annoncée au printemps. Le leader de FO "pense" que cette négociation aura lieu. Sur le fond du sujet, il a indiqué qu'il "serait très vigilant à ce que demain" le salarié ne soit pas seul pour "aller démarcher les organismes de formation, sans accompagnement".

Jean-Claude Mailly a aussi "insisté sur le fait qu'on ne doit pas aller sur une logique d'individualisation" des droits. Il faut "qu'il y ait des droits personnels mais définis collectivement", a-t-il développé, tout en précisant que le président lui avait "dit qu'il était d'accord". Dernière revendication sur ce dossier : "faire le tri dans les organismes de formation". Une suggestion qui va dans le même sens que celle de Pierre Gattaz, qui a appelé à "simplifier" le système.

Apprentissage : un dispositif plus égalitaire ?

Dernier sujet évoqué : l’apprentissage. Et c’est le patron des artisans Alain Griset qui s’est montré le plus disert. "On doit être dans la refondation totale du dispositif, les réformes sur quelques points ne suffisent pas", a-t-il déclaré. Parmi les évolutions attendues, "il y a naturellement le contenu des diplômes, qui doivent être, de notre point de vue, du ressort des branches professionnelles."

Il a aussi évoqué "tout ce qui concerne la rémunération du jeune", qui aboutit aujourd'hui au fait "qu'un jeune de 22-23 ans est trop vieux, parce qu'il coûte beaucoup plus pour l'entreprise qu'un jeune de 18 ans". Actuellement, les salaires minima des apprentis augmentent avec leur âge et leur année de contrat. Par ailleurs, Alain Griset a proposé "que l'entreprise qui garde un apprenti en CDI, quand le contrat est terminé, (puisse) bénéficier d'une exonération de charges dégressive", par exemple "80% (d'exonération de cotisations) la première année, 60% la deuxième, etc."

Les apprentis doivent avoir un niveau de culture générale défini et suffisant

De son côté, Jean-Claude Mailly a "insisté sur le statut du maître d'apprentissage, du tuteur, qui n'est pas assez valorisé aujourd'hui". "Et sur le statut de l'apprenti, il n'y a aucune raison par exemple qu'un apprenti gagne moins qu'un contrat de professionnalisation", a souligné le leader de FO. Enfin, Philippe Martinez souhaite que "les apprentis aient un niveau de culture générale défini et suffisant parce que savoir lire, écrire et compter, c’est essentiel pour ne pas être pénalisé dans la suite de leurs carrières". Il a également proposé que "les grands groupes financent plus le dispositif pour que les étudiants puissent aussi aller dans des petites entreprises, avec un salaire égal".

De son côté, Pierre Gattaz a réclamé que les entreprises "aient la main, totalement ou en coresponsabilité, sur les filières d'apprentissage, sur les centres de formation des apprentis (CFA)" et "que le financement soit direct, que ça ne passe plus par les régions".