Ses enfants ont été placés en famille d’accueil à la suite de son divorce : "Ça fait mal"

  • Copié
Léa Beaudufe-Hamelin
Priscilla se bat depuis deux ans pour récupérer la garde de ses enfants, placés en famille d’accueil à la suite de son divorce. Elle est aidée par le Palais de la Femme, un centre d'hébergement pour femmes seules en difficulté. Elle se confie à Olivier Delacroix au sujet de l’absence de ses enfants.
TÉMOIGNAGE

Il y a deux ans, les enfants de Priscilla ont été placés en famille d’accueil à la suite de son divorce. Ils n’étaient pas maltraités, mais subissaient un conflit de loyauté, tiraillés entre leurs parents. Depuis dix-huit mois, Priscilla a quitté Saint-Malo et s’est installée à Paris pour trouver un emploi stable et récupérer la garde de ses enfants. Elle réside au Palais de la Femme, un centre d'hébergement qui accueille des femmes seules en difficulté. Priscilla raconte à Olivier Delacroix son combat pour retrouver ses enfants.

Priscilla se confie sur sa nouvelle vie en foyer : "Je le vis très mal. Surtout que j'ai eu mon premier appartement à19 ans. Se retrouver neuf ans après dans un foyer, ça fait drôle. Mon souhait le plus cher serait d’avoir mon chez moi et surtout, de récupérer mes enfants, les avoir à mes côtés et pouvoir reprendre une vraie vie. Ça me manque et c’est très dur. Le fait que mes enfants ne soient pas à mes côtés, ils vivent à 450 kilomètres, c'est difficile. 

Je sais pourquoi j'ai quitté ma région natale. Au vu des résultats que j'ai obtenus jusque-là, je ne regrette pas d'être partie. Aujourd’hui, j’ai un travail qui me plaît et qui me permettra d’être présente le matin et après les cours, quand je récupérerai mes enfants. J’ai réussi à réunir des conditions idéales pour élever mes enfants dans une meilleure vie. Ils sont venus à Noël l'année dernière. Il y avait un Père-Noël pour la remise des cadeaux. Ils avaient des étoiles dans les yeux, c’était magique."

" Pour récupérer un enfant placé, c’est la croix et la bannière "

La directrice du Palais de la Femme évoque les raisons lesquelles les femmes sont accueillies : "Une femme a été tuée ici par son fils et le père parce qu'elle voulait quitter le domicile familial. Ça faisait deux ans qu'elle était cachée ici. Les demandes de femmes avec enfants sont exponentielles. Les mères mineures, c'est aussi une réalité qui augmente. L'enfant sert d'émancipation à un milieu familial et culturel. C'est un doudou sur lequel on porte de l'affection. C'est aussi pour retenir un homme. L’enfant peut servir à avoir des papiers, parce que ça ouvre des portes dans les structures sociales.

Pour récupérer un enfant placé, c’est la croix et la bannière. C'est très difficile parce que pour certaines, l'enfant donne une énergie. Quand elles le perdent, elles descendent très vite. Un problème d'alcoolisme ou d'addiction peut venir se greffer ou s'amplifier. Remonter devient extrêmement difficile. J’ai travaillé dans l'insertion par l'activité économique auparavant. Quand les femmes ont des enfants, elles descendent la pente beaucoup moins vite, mais une fois qu'elles l'ont descendue, c'est beaucoup plus difficile de remonter. 

" Les mères ont honte "

Quand un enfant a été placé, il ne vous loupe pas. Il sait que vous avez une part de responsabilité, que vous l'avez abandonné. Se présenter à son enfant, quand on est dégradée psychologiquement et physiquement, on n'imagine pas à quel point ça peut être douloureux. Comment répondre à un enfant qui va dire : ‘Pourquoi tu m'as abandonné ? Pourquoi tu as mis tant de temps à me récupérer ? Qu'est-ce que tu as fait pendant que moi, je pleurais dans mon lit et que tu n'étais pas là ?’ C'est extrêmement difficile si les femmes ne sont pas accompagnées.

Les mères ont honte. Ce n’est même pas de la culpabilité. La société est très dure par rapport à ça. Elles ont honte parce qu'elles sentent qu'elles ne sont pas à la hauteur par rapport à leurs enfants. Elles aimeraient leur donner plus. C'est vis-à-vis de leurs enfants qu'elles ont honte. C'est terrible. On a beau leur dire que ce qui compte pour l'enfant, c'est qu'il ait sa mère avec lui, elles ne sont pas dupes. Ce n’est pas suffisant. C'est leur réalité."

Vous voulez écouter les épisodes de "Dans les yeux d'Olivier"

>> Retrouvez-les sur notre site Europe1.fr et sur Apple PodcastsSpotifyGoogle podcastsDeezerAmazon Music ou vos plateformes habituelles d’écoute.

>> Retrouvez ici le mode d'emploi pour écouter tous les podcasts d'Europe 1

Priscilla avoue éprouver un sentiment de rivalité à l’égard de la famille d’accueil de ses enfants : "Si c’était à refaire, je prendrais plus mon temps pour avoir mes enfants dans de meilleures conditions. C’est un arrachement de savoir que ce sont d'autres personnes qui élèvent vos enfants. C'est très difficile. Leur façon de faire n'est pas forcément ma façon d'élever mes enfants. Quand je vois mes enfants, je suis obligée de reprendre certaines choses avec eux. J'ai reçu une éducation que j'espère pouvoir retransmettre à mes enfants. Avec la famille d'accueil, on n'est pas forcément d'accord sur tout.

Ma fille est très proche de moi. Quelque part, il y a une rivalité. Ce ne sont pas mes bijoux que ma fille porte. Mes enfants ne portent pas les affaires que je choisis pour eux. Il y a plein de petites choses que je ne choisis pas pour mes enfants, ce sont d'autres personnes qui le font. Ça fait mal. Je comprends que mes enfants ne vivent pas avec moi et qu’ils sont sous la responsabilité d'une famille d'accueil. Ce sont eux qui ont la grande tâche de les éduquer. 

C'est très lourd, parce qu’on sait que j'ai des enfants. Devoir justifier pourquoi mes enfants ne sont pas avec moi, c'est dur. C'est comme une honte parce que quand on parle d’enfants placés, on porte tout de suite un jugement. On pense généralement aux enfants maltraités, alors que dans mon cas, ce n'est pas du tout ça. Mes enfants étaient bien traités, mais ils étaient plongés dans un conflit de loyauté. Je pense que la justice a pensé au bien-être de mes enfants et que ça n'a pas été fait contre nous. C’était pour nous dire qu’il fallait penser aux enfants au lieu de penser à nous. Je pense que c'est de bon sens."

" Ne pas avoir mes enfants me donne l'impression d'être une mauvaise mère "

Priscilla se livre au sujet de l’absence de ses enfants : "Ne pas avoir mes enfants me donne l'impression d'être une mauvaise mère, qu'on ne me fait pas confiance et qu'on me juge sans me connaître. Je veux dépasser tout ça et montrer que ce n'est pas parce qu’on s'égare parfois dans la vie qu'on est mauvais en soi. Mes enfants sont placés depuis deux ans. Ce temps est perdu. Je n’ai pas pu faire la rentrée au collège de mon fils, ni la rentrée en CP de ma fille. 

Ce sont plein de petites choses que j'aurais voulu vivre et partager avec eux. On ne rattrapera jamais le passé, mais je n'ai pas le choix. La justice a décidé que les enfants étaient placés pour le moment. Je dois malheureusement faire avec et prendre sur moi. Au départ, on m'a dit qu'ils seraient placés pendant un an. J’ai profité de ce temps pour donner toute mon énergie à trouver un emploi et essayer de me stabiliser, en pensant qu’en fin d'année, j'allais pouvoir récupérer mes enfants. 

Quand on se retrouve à nouveau devant la juge qui nous dit que le renouvellement est fait et qu'on me fait comprendre que je ne suis pas près de récupérer mes enfants, je me demande ce que j'ai pu faire d’aussi grave pour recevoir autant de mépris. Je le prends comme du mépris vis-à-vis de ma personne. Je me donne à fond, mais j'ai l'impression qu’on ne voit pas tout ce que je suis en train de mettre en place pour avancer et avoir cette stabilité."

" 84 heures par an, c'est très peu pour se sentir complètement maman "

Priscilla explique avoir le droit à deux coups de fil par semaine et à une visite de sept heures par mois : "Ça me déchire parce que sept heures, c'est très court. On déclenche un chronomètre pour faire le maximum d'activités et profiter à fond de chaque instant pour que cette journée ne soit remplie que de bonheur et de sourires. J'ai déjà dit à de l'éducatrice de l’ASE que sept heures, ce n’était pas assez. Je ne sais pas pourquoi elle ne souhaite pas faire une demande auprès du juge pour augmenter mon temps de visite. 

84 heures par an, c'est très peu pour se sentir complètement maman. Il y a deux ans, j'ai fait le choix de partir de Saint-Malo. Ça a été un choix très difficile puisque je me suis éloignée de tout, surtout de mes enfants. C'était pour reconstruire quelque chose de positif. Je me demande si tout ce que j'ai mis en place sert à quelque chose. Si j'étais restée à Saint-Malo, je n'aurais pas eu tout ce que j'ai aujourd'hui, c'est-à-dire un travail et une situation. Quand on ne voit pas les choses arriver, on peut se décourager."

" L’aide sociale à l’enfance et la justice ne voient pas mes relations avec mes enfants "

Après avoir rendu visite à ses enfants, Priscilla se confie : "La visite vient de se terminer, j’ai déposé mes enfants. Ça a été très dur. On se dit que la prochaine visite sera dans un mois. On essaye de garder le sourire quand on dit au-revoir aux enfants pour ne pas voir les larmes couler. On a l'impression de ne pas avoir le temps de faire quoi que ce soit. Pourtant, on a fait pas mal d'activités, mais c’est trop court. La petite ne voulait pas partir. C'était dur pour elle. Elle est revenue en courant vers moi et m’a sauté dans les bras pour me faire un câlin. 

L’aide sociale à l’enfance et la justice ne voient pas mes relations avec mes enfants. L'éducatrice ne travaille pas le samedi, le jour de mes visites. Quand j'ai fait venir mes enfants au Palais de la Femme, ça a permis aux référents sociaux de montrer à l’ASE et la justice que je remplis parfaitement mon rôle de maman et que mes enfants me réclament. Quand mes enfants ne sont plus là, j’ai envie de repartir au plus vite pour continuer ce combat et me dire : ‘Tu vas continuer à progresser, à montrer que tu vaux quelque chose, que tout ce que tu fais, ce n'est pas pour rien et que demain, ce sera juste un mauvais cauchemar.’"