Ces primes et autres bonus qui ont choqué avant Alcatel

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SUCRERIES - Les presque 14 millions de primes accordés à l’ancien patron d’Alcatel ne sont que le dernier épisode d’une longue série. Retour sur quatre cas symbolique. 

Même le Medef s’en est indigné lundi : Michel Combes, qui s'apprête à quitter la direction d'Alcatel-Lucent pour prendre celle de Numericable-SFR, va toucher près de 13,7 millions d’euros selon le décompte du Journal du Dimanche. Le tout pour n’être resté aux manettes de l’entreprise que deux ans, le temps de mener une restructuration synonyme de 10.000 emplois supprimés, avant d’être racheté par le groupe Nokia. Autant dire que les primes de Michel Combes n’a pas manqué de provoquer un début de polémique. Pourtant, de telles affaires se succèdent depuis le début de l’année sans que les grandes déclarations indignées ne se concrétisent. Retour sur ces affaires de bonus, de parachute dorée, golden hello et autres retraites chapeaux qui ont marqué le début de l’année 2015.

• Février 2015 : un "golden hello" de 4 millions chez Sanofi. A peine arrivé, déjà récompensé : mi-février, Olivier Brandicourt est nommé à la tête du groupe pharmaceutique français. Avec, accessoirement un "golden hello" de 4 millions d’euros, pratique répandue outre-Atlantique et qui consiste à promettre un cadeau de bienvenue pour convaincre un dirigeant de venir. Alors même qu’Olivier Brandicourt pourrait gagner jusqu’à 5,4 millions d’euros par an, bonus et parts variables comprises.

 Ce qu’en a dit le gouvernement. Ce pont d’or n’a pas manqué de provoquer de vives réactions. "Il faut un peu de décence, notamment de la part de laboratoires pharmaceutiques qui vivent de la Sécurité sociale, donc des cotisations sur les salaires", fustige alors Ségolène Royal. Et le porte-parole du gouvernement d’abonder : "Comment tous ces gens, qui expliquent que c'est le mérite, que c'est l'économie libérale, la prise de risque, ces gens-là, à peine prennent-ils la tête d'une entreprise - c'est-à-dire qu'ils n'ont pris encore aucun risque – qu’ils sont déjà assurés d'avoir rémunération sans commune mesure. Il faut qu'il y ait des règles qui soient réaffirmées, un peu de morale".

Le dénouement de l’affaire. Olivier Brandicourt a refusé de s’exprimer publiquement et a pris les manettes de Sanofi le 2 avril 2015 avec son golden hello.

• Avril 2015 : licenciements, magasins fermés et parachute dorée chez Vivarte. Alors que le groupe Vivarte, maison-mère de nombreuses enseignes (La Halle!, André, Naf Naf, Kookaï, Minelli, Mosquitos, etc.), annonce début avril un vaste plan social, on apprend dans le même temps que son ex-patron est parti avec un chèque de 3,075 millions d'euros. Un parachute doré de 2,075 millions complété par un "bonus pour restructuration" de 1 million d'euros. Mais si Marc Le Landais peut se targuer d’avoir réussi à réduire la dette de l’entreprise, le reste de son bilan est sombre : des erreurs stratégiques qui se traduisent par 1.600 suppressions de postes et près de 200 magasins fermés.

Ce qu’en a dit le gouvernement. Ce dernier est resté discret, la prise de parole la plus remarquée étant celle du Medef. "Je pense que ce n'est pas normal. Des rémunérations sont liées à une réussite, à des responsabilités, à une prise de risque, à des résultats. Lorsqu'il n'y a pas de résultats, il ne devrait pas y avoir de bonus, bien évidemment", assène Pierre Gattaz le 1er juin. Son organisation a pourtant toujours lutté contre tout encadrement des compléments de salaires, estimant que son code de bonne conduite suffit même s’il ne prévoit aucune sanction.

Le dénouement de l’affaire. Après s’être défendu sur Europe 1 et avoir contesté le qualificatif de parachute dorée, Marc Le Landais a disparu des radars sans renoncer à son bonus.

• Mai 2015 : la volte-face de Varin à propos de sa retraite-chapeau. Alors qu’il s’apprête à quitter la direction du groupe automobile PSA, Philippe Varin fait preuve d’une rare exemplarité en novembre 2013 : il annonce qu’il renonce à sa retraite chapeau puisque Peugeot-Citroën traverse une passe difficile (fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois, 11.000 postes supprimés, gel des salaires et flexibilité accrue, aide de l’Etat, etc.). Sauf que le diable se cache dans les détails. Philippe Varin a bien précisé qu'il s'agit des dispositions "actuelles" de retraite-chapeau. En clair, il abandonne la retraite-chapeau qui était prévue en novembre 2013 mais ne ferme pas la porte à une version remaniée. Or - hasard du calendrier ? - il se trouve que le groupe PSA va changer le dispositif de retraite-chapeau dans les mois qui suivent. Si bien qu’on apprend en mai 2015 que Philippe Varin touchera 299.000 euros brut par an, en plus de sa pension. Soit potentiellement près de 7,5 millions sur 25 ans.

Ce qu’en a dit le gouvernement. L’agacement est à la hauteur de la déception. "Pour moi, c'est inacceptable", tonne le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll. "Quelle image, quelle idée on donne de l'exemplarité ? Franchement, quelque part, ça me met un peu en colère", fustige le porte-parole du gouvernement. Et l’idée d’une loi encadrant les retraites-chapeau, déjà évoquée en novembre 2014, refait surface sans se concrétiser.

Le dénouement de l’affaire. Philippe Varin a depuis été nommé président du conseil d’administration d’Areva, une entreprise elle aussi mal en point. Mais il a menacé de démissionner, agacé par les critiques de Stéphane Le Foll. Finalement, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron viendra à son secours en le soutenant dans une déclaration envoyée à la presse.

• Septembre 2015 : 13,7 millions de primes pour le patron d’Alcatel-Lucent. Comme une impression de déjà vu : fin avril, Michel Combes annonce renoncer à son parachute doré de 2,4 millions d’euros. L’entreprise qu’il dirige, Alcatel-Lucent, perd en effet de l’argent depuis des années, licencie, avance dans le flou et s’apprête à être rachetée par Nokia. Mais fin août, Le Journal du Dimanche révèle que, s’il n’aura pas de parachute doré, Michel Combes aura droit à des primes de départ. Une enveloppe estimée à 13,7 millions d'euros pour avoir réussi à limiter la casse et rendre l’entreprise assez séduisante pour être rachetée.

Ce qu’en a dit le gouvernement. "Dans le monde d'aujourd'hui, et avec les difficultés que les uns et les autres rencontrent, à un moment donné il faut un peu de bon sens, un peu de mesure, un peu de retenue. Et là, en l'occurrence Michel Combes n'en a pas eu", a réagi Michel Sapin, interrogé sur France Info. Même le Medef les juge "d'autant plus choquantes que les résultats n'étaient pas, on va dire, au rendez-vous". En attendant le prochain scandale suivi d’une nouvelle promesse de plus de régulation ?