Démission de Pierre de Villiers : pour le général Desportes, la confiance entre les armées et le président "est rompue"

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Anaïs Huet , modifié à
La démission du général de Villiers, et l'attitude d'Emmanuel Macron à son égard, mettent les armées en émoi, selon l'ancien général de division de l'armée de Terre Vincent Desportes.
INTERVIEW

La crise entre le président Macron et le chef d'état-major des armées avait atteint un point de retour. Mercredi, le général Pierre de Villiers, qui avait critiqué le budget de la Défense et s'était attiré les foudres du chef de l'Etat, a démissionné de ses fonctions. Pour Vincent Desportes, ancien général de division de l'armée de terre et ancien directeur de l'école de guerre, interrogé sur Europe 1, "cette démission était inévitable".

Une décision logique et attendue. "Le général de Villiers ne pouvait plus rester. C'est un soldat, il n'aurait plus eu aucune crédibilité dans l'institution s’il n'avait pas démissionné. Ce qu'il veut, ce n'est pas quelque chose pour les armées, mais pour la défense de la France. En démissionnant, c'est le meilleur service qu'il pouvait rendre à la sécurité et à la défense de chacun", a plaidé le général. Pour Vincent Desportes, "le général de Villiers et l'institution militaire ont été inutilement humiliés le 13 juillet au soir, dans les jardins de l'hôtel de Brienne". Le général avait alors, dans le huis clos de la commission de la Défense à l'Assemblée nationale, émis de sérieuses réserves au sujet des 850 millions d'euros d'économies réclamées cette année aux armées, jugeant la trajectoire budgétaire "non tenable". 

"La confiance est rompue". Pour l'ancien général de division de l'armée de terre, la confiance entre les armées et le président est désormais "rompue". "L'institution militaire est choquée, stupéfaite par ce qui s'est passé. Parce que le général de Villiers était le meilleur d'entre nous, reconnu par tous. C'était un expert, un grand professionnel, quelqu'un de très proche de tous ses soldats, de tous ses aviateurs, de tous ses marins", fait-il valoir. "Oui, la confiance est rompue, ce qui est très grave pour la défense des Français", a-t-il répété.

Macron et "l'autoritarisme inutile". En adoptant cette attitude face au général de Villiers, notamment en le recadrant sèchement et sans le nommer lors de son discours du 14-Juillet, Emmanuel Macron "a commis une faute", estime Vincent Desportes. "Il n'avait pas à rentrer dans ce débat (…) Il en a fait une affaire personnelle. Il a fait de l'autoritarisme inutile, et qui a provoqué une crise. Le président Macron nous avait habitués à mieux jusqu'à présent", regrette-t-il. Pourtant, l'ancien directeur de l'école de guerre a en tête des souvenirs, pas si lointains, où le chef de l'Etat soignait ses troupes. "Macron dans un sous-marin, Macron allant voir les blessés, Macron remontant les Champs-Elysées, qu'est-ce que c'est ? C'est de la communication personnelle, bâtie au mépris des armées ? Les armées ne peuvent pas supporter ça", s'agace le général Desportes.

"On n'humilie pas vainement un chef devant ses troupes". Reste à savoir si Emmanuel Macron a agi sciemment. Pour Vincent Desportes, le doute est permis. Le président de la République "ne pouvait pas ne pas imaginer que ça allait se passer comme ça. On n'humilie pas vainement un chef devant ses troupes. Personne ne le fait. Tous les gens qui ont fait du management savent que ça doit entraîner immédiatement une réaction. Je pense qu'il le savait. Il est beaucoup trop intelligent pour ne pas avoir anticipé ce qui allait se passer…"