Manuel Valls veut "bâtir un pacte avec l'islam de France"

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G.S. , modifié à
"Si l'islam n'aide pas la République [...], il sera de plus en plus dur pour la République de garantir ce libre exercice du culte", martèle le Premier ministre. 

Pour Manuel Valls, il y a "urgence" à "bâtir un véritable pacte" avec l'islam. La deuxième religion de France "a trouvé sa place dans la République". Mais les musulmans ont un rôle à jouer "face à la montée du djihadisme" estime le Premier ministre dans le Journal du dimanche. Sinon ? La République aura de plus en plus de mal "à garantir la liberté de culte" martèle-t-il, quelques jours après avoir appelé dans Le Monde à une "refondation de l'islam" et se prononçant pour l'arrêt des financements étrangers des mosquées.

Quel "pacte" avec l'islam ? Manuel Valls rappelle d'abord qu'il "y a plus de dix ans, une fondation (la Fondation pour l'islam de France, ndlr) a été créée pour réunir en toute transparence les fonds nécessaires". "Son échec est total. Il ne doit pas nous décourager. Il faut reconstruire une capacité de financement française", insiste-t-il. "Il y a urgence à aider l'islam de France à se débarrasser de ceux qui le minent de l'intérieur. Pour cela, il nous appartient de bâtir un véritable pacte avec l'islam de France, donnant à la Fondation une place centrale", ajoute le chef du gouvernement.

La Fondation des œuvres de l'islam de France, créée en 2008, visait à collecter des fonds privés pour financer le culte musulman (mosquées, imams, pèlerinage...). Hébergée par la Caisse des Dépôts et Consignations, cette Fondation devait permettre d'avoir une traçabilité précise de l'origine des fonds, une parfaite transparente. La Fondation avait été dotée d'un million d'euros par l'avionneur Dassault. Mais face à l'incapacité des instances musulmanes à s'entendre sur la destination des fonds et à l'échec des pouvoirs publics de lever toutes les incertitudes juridiques, l'argent est resté majoritairement dormant. Seul un tiers des fonds a été utilisé.  

" La France doit devenir un pôle d'excellence dans l'enseignement de la théologie "

Le Premier ministre porte également un objectif ambitieux : que plus aucun imam (ni aucun aumônier) ne soit formé à l'étranger. Il tient même à ce que la France devienne "un pôle d'excellence européenne dans l'enseignement de la théologie musulmane". "L'Etat n'a pas à s'occuper de théologie. Mais il peut aider à la création d'institutions à la formation solide", poursuit le Premier ministre.

Une tâche difficile, car la loi de 1905 interdit aux pouvoirs publics de financer directement de telles formations. Faut-il pour autant mettre en place un concordat, comme le demande certains et comme c'est le cas en Alsace et en Moselle, où l'Etat reconnaît et organise les cultes catholique, luthérien, réformé et israélite, ce qui lui donne le droit d'investir des fonds publics ? Manuel Valls refuse dimanche "toute tentation néoconcordataire", qui "serait une insulte à la laïcité". Mais selon lui, il va tout de même falloir "revoir certaines règles pour tarir les financements extérieurs et accroître en compensation les possibilités de levées de fonds en France". "Tout devra être mis sur la table, avec les musulmans de France et leurs instances représentatives", précise-t-il. Un argumentaire jugé flou et qui menace "le principe de laïcité" selon Hervé Mariton, interrogé ici par Europe 1

"Mécanique infernale". "L'islam a trouvé sa place dans la République (...) contrairement aux attaques répétées des populismes, à droite et à l'extrême droite", qui ont mis cette religion au "coeur de leur rhétorique du bouc émissaire", déclare également le Premier ministre. "Ce rejet insupportable de l'islam et des musulmans, ces paroles, ces actes, tout comme les paroles et les actes antisémites, antichrétiens, doivent être combattus - et ils le sont - avec la plus grande force", assure-t-il, tout en épinglant le salafisme et l'islam radical "qui mine la France". "Tous les salafistes ne sont pas des djihadistes... mais presque tous les djihadistes sont des salafistes. Cette mécanique infernale pousse des individus par centaines, parfois très jeunes - hommes, femmes, de culture musulmane ou convertis de fraîche date - à prendre les armes et à les retourner contre leur pays", insiste-t-il.

Appel d'une quarantaine de personnalités musulmanes. Dans un appel à "agir" contre "l'islamisme radical", intitulé "Nous, Français et musulmans, sommes prêts à assumer nos responsabilités" et également publié dans le JDD, une quarantaine de personnalités -dont le philosophe Abdennour Bidar, l'essayiste Hakim El Karoui et la sénatrice PS Bariza Khiari- se disent "concernés par l'impuissance de l'organisation actuelle de l'islam de France, qui n'a aucune prise sur les événements". Préconisant de "changer de générations" et de mener "la bataille culturelle contre l'islamisme radical, auprès des jeunes et des moins jeunes", ils soulignent eux aussi qu'"il est temps" de "réactiver" la Fondation pour l'islam de France, qui "n'a jamais fonctionné", et de "lui donner la capacité de collecter des ressources".

Le Premier ministre, également, insiste sur le rôle à jouer des musulmans. "Si l'islam n'aide pas la République à combattre ceux qui remettent en cause les libertés publiques, il sera de plus en plus dur pour la République de garantir ce libre exercice du culte". "Il faudra un engagement massif et puissant. D'abord, des musulmans. Et je les appelle à agir dans leur famille, leur quartier".