Budget de la Sécurité sociale : l'Assemblée nationale rétablit la suspension de la réforme des retraites
L’Assemblée nationale a rétabli la suspension de la réforme des retraites, exigée par les socialistes pour éviter une censure du gouvernement. La mesure repousse provisoirement le relèvement de l’âge de départ, avant un possible retour de la réforme en 2028.
L’Assemblée nationale a rétabli vendredi la suspension de la réforme des retraites dans le projet de budget de la Sécurité sociale. Cette disposition, supprimée par le Sénat, constituait toutefois une condition posée par les socialistes pour ne pas censurer le gouvernement de Sébastien Lecornu. Au total, 162 députés ont voté pour son rétablissement, contre 75.
D’abord écartée en première lecture, la mesure a été réintroduite via des amendements identiques déposés par le gouvernement, les socialistes, le RN, le groupe centriste Liot ainsi que plusieurs élus LR.
Des positions contrastées à gauche
Le député PS Jérôme Guedj a défendu une suspension permettant, selon lui, à 650.000 personnes de partir plus tôt à la retraite en 2026 et 2027. Il a salué "une avancée concrète, fût-elle pas totale", répondant ainsi aux critiques venues de la gauche.
Les Insoumis se sont opposés à la mesure, dénonçant "des magouilles sans fin" et réaffirmant leur volonté d'abroger entièrement la réforme. Les communistes ont choisi l’abstention, estimant qu’il ne s’agissait pas d’une véritable suspension mais seulement de "trois mois gagnés" dans le meilleur des cas.
"C'est bien peu, c'est presque rien. Mais cela existe tout de même", a déclaré dans la foulée Alexis Corbière, justifiant le vote favorable du groupe écologiste, tout en précisant que ce choix "ne préjuge en rien" de la position à venir sur l’ensemble du texte examiné mardi. Du côté du camp gouvernemental, les positions divergeaient également.
Des divergences au sein du camp gouvernemental et de la droite
Annie Vidal (Renaissance) a expliqué l’abstention du groupe macroniste au nom "du compromis" souhaité par le Premier ministre "dans l’intérêt du pays".
Le président des députés LR Laurent Wauquiez a annoncé un vote contre, défendant le relèvement de l’âge de départ afin d’éviter "soit de prendre plus sur ceux qui travaillent, soit de baisser le niveau de vie des retraités". Horizons a adopté la même ligne, son chef de file Paul Christophe dénonçant un "mensonge" fait aux Français.
Le Rassemblement national a soutenu la mesure, en profitant pour ironiser sur les macronistes qui, selon Jean-Philippe Tanguy, "renient la seule réforme qu'ils ont faite dans leur deuxième mandat".
Sébastien Lecornu sous la pression
Sous la menace d’une motion de censure avant même l’ouverture des débats budgétaires, le Premier ministre Sébastien Lecornu, proche d’Emmanuel Macron, avait promis cette suspension afin d’amener les socialistes à la table des négociations. La réforme vise à relever progressivement l’âge légal de départ à 64 ans.
Le dispositif adopté suspend jusqu’en janvier 2028 la progression vers les 64 ans, ainsi que l’augmentation du nombre de trimestres requis.
Concrètement, la génération née en 1964 pourrait partir à 62 ans et 9 mois — comme la précédente — au lieu des 63 ans prévus initialement. Elle devrait également valider 170 trimestres, contre 171 selon la réforme. À moins d’un nouveau changement législatif, la réforme Borne reprendrait ensuite son cours, avec un décalage d’un trimestre.