Maison de retraite dans le Jura : "Laver les dents ? Les cheveux ? On n'a pas le temps, il faut choisir"

Le personnel soignant explique ne pas avoir assez de temps pour s'occuper des résidents. Photo d'illustration.
Le personnel soignant explique ne pas avoir assez de temps pour s'occuper des résidents. Photo d'illustration. © FRED DUFOUR / AFP
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Théo Maneval et A.D , modifié à
Une dizaine d'aides-soignantes sont à bout dans l'établissement des Opalines et dénoncent les sous-effectifs. Depuis plus de 100 jours, elles font grève... dans l'indifférence générale.
REPORTAGE

C’est la plus longue grève de France et elle se mène dans l’indifférence générale. Depuis le 3 avril dernier, soit depuis 109 jours, une dizaine d’aides-soignantes de la maison de retraite Les Opalines, à Foucherans, dans le Jura, ont cessé le travail. Elles sont installées sous un calicot devant l’entrée de l’établissement. Elles sont à bout et dénoncent un sous-effectif qui ne leur permet pas de traiter correctement leurs résidents. Notre reporter les as rencontrées.

"On a toutes versé des larmes". Les lunettes de soleil peinent à cacher les traits tirés, sur le piquet de grève. 109 jours que Méline et ses collègues ont décidé qu'elles n'en pouvaient plus. "Le matin quand je rentre dans une chambre, je sais que j’ai quinze minutes. Je regarde mon résident. Lui laver les dents ? Les cheveux ? On n'a pas le temps, il faut choisir. Quelqu'un qui a besoin d'aller aux pour toilettes, on met une heure pour arriver. Il ne peut pas y aller seul, donc il se souille, il fait sur lui. On a toutes versé des larmes, on n’en dormait plus la nuit", raconte l'une des aides-soignantes.

Certaines chambres à 2.700 euros par moi. L'établissement est pourtant réputé, moderne, à 2.700 euros par mois pour certaines chambres. Mais il manque d'effectifs pour s'occuper des 77 résidents. Les cadences sont devenues infernales, décrit Anne-Sophie : "Pour le coucher, on a 3 minutes 41. On a fait tout simplement une division avec le temps qui reste et le nombre de résidents à coucher par soignant. Le soir ils angoissent, on ne peut pas leur parler." 

"Huit jours sans douche". Ici pourtant, aucun mauvais traitement n’a jamais été signalé. "On accepte certaines choses, parce qu'on sait qu'elles font le maximum" explique ce résident. Il vient tous les jours, en déambulateur, apporter son soutien "parce que ce sont des personnels consciencieux", dit-il. "Mais on leur donne trop de travail. J'ai été huit jours sans douche", se rappelle-t-il.

"Conditions tout à fait correctes". La directrice de l'établissement, Véronique Steff, répond elle que deux personnes de plus ont été recrutées le mois dernier, que les plannings ont été revus. "Beaucoup de chose qui ont été écrites pour moi ne sont pas vraies ni prouvées sur les aspects organisationnels et de prise en charge des résidents. Les conditions sont tout à fait correctes aujourd'hui donc la grève n'est plus justifiée", argumente-t-elle. Une prime a aussi été proposée aux grévistes pour la reprise du travail, pas assez élevée selon elles. Depuis trois semaines, le dialogue est totalement rompu.