voiture volant conduite 5:13
  • Copié
Romain David , modifié à
Invité de "Sans Rendez-vous", l'émission santé d'Europe 1, le psychiatre Eric Malbos a développé avec le docteur Roger Zumbrunnen une "autothérapie" pour aider les phobiques du volant à reprendre la route sans l'intervention d'un professionnel. Il en détaille les étapes clefs.
INTERVIEW

On appelle "amaxophobie" la peur de conduire. Une phobie bien spécifique, qui se traduit généralement par des crises d'angoisse à l'idée de devoir prendre le volant, et dont les causes sont multiples. Elle peut concerner des jeunes conducteurs qui éprouvent une trop grande appréhension, ceux plus expérimentés qui ont développé un traumatisme dû à un accident, ou encore ceux qui ont été négativement marqués par leur moniteur ou leur inspecteur lors du passage du permis. Cette peur du volant peut être considérée comme un véritable trouble psychologique lorsqu'elle provoque une perte d'autonomie qui a des conséquences sur le quotidien.

"Si une personne ne peut plus aller au travail, ne peut plus partir en vacances en voiture et voit ainsi sa vie sociale et professionnelle menacée, alors on sait qu'elle a besoin d'aide", indique au micro de Sans Rendez-vous, sur Europe 1, Eric Malbos, psychiatre et enseignant-chercheur au pôle psychiatrie du CHU Conception à Marseille. Il est le coauteur avec le docteur Roger Zumbrunnen du livre Pas de Panique au volant, autothérapie et réalité virtuelle, aux éditions Odile Jacob.

Se reprendre en main

Selon lui, il est possible de vaincre son angoisse de la conduite par soi-même, sans avoir recours à un professionnel. "Si vous avez besoin d'une présence bienveillante, il vous faut un thérapeute. Mais certaines personnes se débrouillent bien de manière autonome, ça va vraiment dépendre de votre personnalité", explique-t-il. Cette "autothérapie" s'adresse donc à ceux qui, quel que soit leur degré d'angoisse, se sentent suffisamment déterminés pour appliquer avec régularité une méthode visant à reprendre progressivement le contrôle de soi.

"L'idée est d'apprendre à gérer plusieurs choses : au niveau intellectuel, à penser différemment, à ne plus voir la route comme une menace ; à pouvoir gérer ses émotions, son anxiété ; et enfin à apprendre à relaxer son corps. C'est en combinant ces trois éléments que le patient aura une chance de retrouver son autonomie."

La réalité virtuelle en renfort

Le patient va devoir s'exposer à la conduite petit à petit, un peu comme pour une désensibilisation aux allergies. La réalité virtuelle peut vous aider à retrouver un premier contact avec la route. "J'aurais tendance à dire que si vous avez un enfant qui a des jeux vidéo de course, demandez-lui de vous initier et entraînez-vous sur les simulateurs que l'on trouve sur les consoles ou sur PC", glisse notre psychiatre.

Lorsque vous vous sentez suffisamment aguerri pour passer à la pratique, fixez-vous des objectifs. Par exemple : s'asseoir quelques minutes devant le volant, sans allumer le moteur. Répétez quotidiennement ce petit rituel jusqu'à ce que le sentiment d'angoisse s'atténue. "Voilà, maintenant je me suis assis, ça ne me fait plus rien. Ça fait cinq fois déjà. Allez, on démarre le moteur !", poursuit notre spécialiste.

Et ainsi de suite : passer une vitesse, faire quelques mètres sur un parcours loin de la circulation, risquer une manœuvre, etc. "Ça n'est pas grave si ça vous prend 30, 40 ou 50 fois avant de passer à l'étape suivante. C'est comme ça que ça marche !" 

Prendre conscience du chemin parcouru

Il est conseillé, tout au long de cette autothérapie, de noter ses impressions dans un carnet. "C'est pour aider le patient à prendre conscience de son niveau d'anxiété. Parce que si l'anxiété est trop forte, ça ne sert à rien de s'exposer. On ne pourra pas apprendre à nager à un enfant qui a trop peur de l'eau. Donc si la personne est très anxieuse, il faut qu'elle fasse demi-tour. Il faut qu'elle revienne un peu en arrière, sur les étapes précédentes", insiste Eric Malbos.

Ce carnet est aussi une manière d'exorciser, en les couchant sur le papier, les pensées catastrophistes qui peuvent vous faire paniquer : la peur de perdre le contrôle du véhicule, de déclencher un énorme accident, etc. Eric Malbos assure qu'en pratiquant cette méthode avec discipline, les phobiques de la conduite peuvent espérer rallumer le moteur en six mois. Toutefois, il ne faudra pas hésiter à se tourner vers un praticien si vous vous sentez incapable de progresser seul.