Frédéric Dabi (Ifop) : "Les primaires sont de plus en plus installées dans la vie politique"

Benoît Hamon et Manuel Valls lors du débat de l'entre-deux tours, mercredi 25 janvier.
Benoît Hamon et Manuel Valls lors du débat de l'entre-deux tours, mercredi 25 janvier.
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Vainqueurs des primaires de leur camp, François Fillon et Benoît Hamon éprouvent des difficultés qui ne sont pas liés à ce type de scrutin, selon le directeur général adjoint de l'Ifop
INTERVIEW

Alors que Benoît Hamon est devenu le candidat d’une gauche divisée après sa victoire à la primaire, dimanche, François Fillon peine à retrouver la dynamique qui était la sienne quand il fut désigné candidat à la présidentielle, en novembre. Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’institut Ifop, les problèmes que rencontrent ces deux candidats émanent d'abord du contexte politique général, et pas forcément du nouveau format d'investiture des primaires.

"Il y a cinq ans, le Parti socialiste était le grand vainqueur de sa primaire. Cette année, il en sort lessivé. Pourquoi ?
Je ne dirais pas que le PS en sort lessivé. En tout cas, s’il l’est, c’est plutôt par son exercice du pouvoir, par un quinquennat jugé calamiteux par les Français. L’objet primaire, lui, est resté préservé, malgré la situation compliquée de la gauche socialiste, le renoncement de François Hollande et la campagne courte. Il y a d'ailleurs eu une sur-concentration de débats [trois en une semaine avant le premier tour, NDLR], qui a pu générer un effet de saturation médiatique. Néanmoins, les débats ont été de qualité, notamment celui de l’entre-deux tours, passionnant, avec une projection des candidats sur le futur du travail, entre autres. Avec 1,6 million de participants au premier tour et 2 millions au second, la participation est honorable. C’est un scrutin que les Français apprécient. En 2011, pour la primaire socialiste, c’était un OPNI, un objet politique non-identifié. Plus maintenant. Les primaires sont de plus en plus installées dans la vie politique française.

La primaire peut-elle être une rampe de lancement pour Benoît Hamon ?
Il y a un effet de souffle après la primaire, une sorte de légitimation. Il ne faut donc pas laisser retomber ce souffle, mésaventure qui est en train d'arriver à François Fillon. Au Parti socialiste, la victoire de Benoît Hamon s’est surtout faite au sein de son camp, plus à gauche que le centre de gravité du Parti socialiste. L’enjeu, pour lui, est maintenant d’éviter la fuite vers des électeurs socialistes vers Emmanuel Macron.

Comment peut-il y parvenir ?
Il y a d’abord la nécessité de tendre la main aux socialistes vaincus. Benoît Hamon doit ensuite se projeter dans le temps présidentiel. Pour l’instant, il a davantage évoqué le futur désirable et l’évolution de la valeur travail. Maintenant, il va rentrer dans le dur et doit parler à la gauche de gouvernement, réaliste et majoritaire depuis le congrès d’Épinay, en 1971. Mais ce n’est pas gagné : Manuel Valls sera absent lors de son investiture, le 5 février.

De nombreuses personnalités politiques de premier plan ont été évincées lors de ces primaires, comme Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou Manuel Valls. Comment l’expliquer ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a une différence entre le contexte politique et les primaires, qui sont un moyen par lequel les Français choisissent leurs candidats à l’élection présidentielle. Les éliminations des poids lourds de la droite ou de la gauche sont les symptômes d’une tendance lourde de renouvellement de la vie politique. Il y a une très forte suspicion des citoyens envers les partis de gouvernement. Dans l’esprit des Français, le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été un échec et celui de François Hollande a été encore plus mauvais. Pourtant, François Fillon a été désigné, lui qui siège à l’Assemblée nationale depuis 1981.

Les primaires ne seraient donc pas un piège pour eux ?
Il y a un équilibre à trouver pour les sortants. Nicolas Sarkozy, surtout, devait articuler la nécessité d’assumer un bilan et se projeter vers l’avenir. Manuel Valls a mieux réussi cette synthèse, mais cela a été plus facile pour Benoît Hamon, qui a pu se comporter en "sniper"."