Écotaxe : ce report ne plait à personne... sauf à l’UMP

Jean-François Copé s'est dit "soulagé que le Premier ministre ait reculé" sur la mise en oeuvre de l'écotaxe dans toute la France.
Jean-François Copé s'est dit "soulagé que le Premier ministre ait reculé" sur la mise en oeuvre de l'écotaxe dans toute la France. © MaxPPP
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Le gouvernement suspend cette taxe sur les poids lourd… et ne convainc pas grand monde.

L’annonce. "La confrontation doit céder la place au dialogue", a lancé mardi Jean-Marc Ayrault, pour justifier sa décision de reporter l’application de l'écotaxe, prévue pour janvier, à une date ultérieure encore indéterminée. Après la fronde explosive des agriculteurs, le Premier ministre a tenu une réunion de crise à Matignon, en présence des ministres concernés et des élus bretons. Il y a annoncé la "suspension mais pas la suppression" de cette taxe sur le transport de marchandise en camion. La mesure doit être "corrigée", a-t-il insisté.

Destinée à apaiser les tensions, cette "suspension" ne convainc toutefois pas grand monde. D'une part, elle coûte chère aux finances publiques. L’État doit, en effet, verser un loyer de plus de 15 millions d'euros, pour rien, à Ecoumouv', la société chargée de collecter les données nécessaires à la perception de la taxe. Et le gouvernement ne peut pas résilier le contrat, car cela lui coûterait la modique somme de 800 millions d'euros, en vertu d'une clause signée par la précédente majorité. D'autre part, ce report consterne les écologistes, partisans de la taxe, et il déçoit les agriculteurs, partisans de sa suppression pure et simple. En réalité, l’UMP est presque seule à s’en réjouir.  Décryptage.

 

Réunion Ayrault écotaxe Matignon

Une décision "minable" pour les écologistes. L’un des premiers et des plus virulents à avoir montré sa désapprobation au revirement de Jean-Marc Ayrault est l’eurodéputé écologiste José Bové. "Cette suspension sine die, c'est juste minable, c'est une reculade vraiment invraisemblable face à un lobby agro-industriel mené par le président de la FNSEA, Xavier Beulin, et le Medef ", a-t-il lancé. "Avec cette reculade, on se prive des moyens de reconvertir les transports et de décarboner l'économie", a-t-il ajouté. Cette taxe porte en effet sur les poids lourds de 3,5 tonnes, circulant sur les routes nationales non payantes. Elle devait rapporter 1,2 milliard par an à l’État et le montant devait servir à la lutte contre les gaz à effet de serre et la réfection des routes, ce qui lui valait le soutien des écologistes.

Pascal Durand, secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), a d’ailleurs estimé mardi que la suspension de l'écotaxe "ne résoudrait en rien la crise en Bretagne". Les responsables parlementaires du parti ont déjeuné mardi avec Jean-Marc Ayrault, pour demander des explications. Le député écologiste indépendant Noël Mamère s'est, lui, dit "accablé par cette démonstration de faiblesse politique". Et France Nature Environnement a jugé l’annonce "lamentable" et dénuée de "courage".

Les agriculteurs sont partagés. Le président de la FNSEA, syndicat majoritaire chez les agriculteurs, s’est pour sa part félicité de ce report. "Je considère que nous avons été entendus. Nous demandions un ajournement ", a déclaré Xavier Beulin, rappelant que la FNSEA justifiait sa position par un environnement économique et conjoncturel "extrêmement difficile". Mais tous les agriculteurs ne le suivent pas dans cette voie.

"Un report si c'est 15 jours, 1 mois, 6 mois, ça ne nous intéresse pas. Nous, on demande la suppression pure et simple", a ainsi prévenu Thierry Merret, président de la Fdsea du Finistère. Une manifestation est d’ailleurs prévue à Quimper samedi. "L'écotaxe, pour nous, c'est un symbole qui rallie les paysans, transporteurs, artisans, commerçants, tous d'accord pour dire: ‘ça suffit’", a renchéri le leader des paysans bretons. "Ce n'est pas suffisant, la Bretagne demande sa suspension définitive", a rebondi Christian Troadec, maire (DVG) de Carhaix (Finistère), à l'origine du collectif "Vivre, décider, travailler en Bretagne" qui a lancé l'appel à la manifestation à Quimper.

L’UMP est "soulagée".  Entre le sentiment donné d’une énième reculade et une fronde des agriculteurs pas totalement calmée, le gouvernement  n’est pas vraiment gagnant avec cette annonce. Les seuls à s’en réjouir sont donc à trouver du côté de l’UMP. Sur France info, Jean-François Copé s'est ainsi dit "soulagé que le Premier ministre ait reculé". "J'avais demandé le report sine die de cette taxe parce qu'elle vient s'ajouter aux 55 milliards d'impôts décidée par le président depuis 18 mois, ce qui a asphyxié notre économie", s’est justifié le président de l’UMP, qui n’est pas contre la suppression pure et simple de la mesure.

Et pour cause : elle a été conçue en 2007, lors du Grenelle de l'environnement, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L’écotaxe avait ensuite été inscrite dans la loi du 3 août 2009 et elle fut votée par tous les partis à l’exception… d’Europe Ecologie - Les Verts (EELV), qui ne la jugeait pas assez contraignante. Mais elle n’a jamais été mise en œuvre, le décret d'application étant repoussé d'année en année.

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