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Jean-Sébastien Soldaïni, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Reprise il y a un peu plus d'un mois, la Ghouta orientale, a été bombardée pendant de longues années par le régime. Des attaques incessantes pour les assiégés qui résistaient notamment grâce à un complexe réseau de tunnels.
REPORTAGE

A quoi ressemble la Ghouta orientale, cette banlieue de Damas bombardée par l'armée de Bachar Al-Assad et reprise il y a seulement un peu plus d'un mois ? Comment la rébellion et les groupes djihadistes ont-ils pu tenir le siège pendant sept ans, sous les bombes du régime ? Notre reporter a passé quelques jours sur place. 

Des kilomètres de tunnels pour le ravitaillement. A dix minutes à peine du centre de Damas en voiture, on bascule d'une vie quasi normale au chaos. Au détour d'un talus qui servait de barricade, l'horizon s’aplatit d'un seul coup, comme si une gigantesque presse avait ramené tous les immeubles au niveau du sol : c'est le néant à perte de vue. C'est de là que la rébellion est née au porte de Damas, là que des groupes djihadistes y ont prospéré au fil des années de conflit grâce à des kilomètres de tunnels assez larges pour faire passer des Jeep et des fourgonnettes chargées d'armes ou de nourriture.

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"Ce tunnel parcourt plus de 200 mètres pour arriver jusqu'à une pièce centrale. De là, plusieurs petits tunnels partent dans toutes les directions pour alimenter chaque quartier. Nous sommes au cœur de leur trafic. Et ce réseau rayonne sous la totalité de la ville de Douma", explique un soldat syrien au micro d'Europe 1 devant une ouverture de quatre mètres sur trois qui s'enfonce dans le noir. 

Armes, nourriture, Gasoil. S'il est impossible d'évaluer avec précision la taille de ce réseau sous-terrain, de larges trous dans le sol se font voir tous les dix mètres et abritent des armes soigneusement disposées en cas d'attaque mais également du gazole. Des réserves dont les habitants ignoraient l'existence. "Cet endroit était interdit aux civils. Seuls les combattants savaient ce qu'il se passait là-dedans. Tout ce qu'on voyait, c'était beaucoup de nourriture qu'ils faisaient entrer pour la stocker", explique Diab, un habitant. 

Organiser la pénurie. Car les stocks de nourritures ne sont pas uniquement pour les soldats : ils servaient également à organiser une pénurie pour revendre la nourriture aux civils jusqu'à dix fois le prix normal et s'offrir ainsi un certain confort. En plus des bars et des hamams sculptés à même le sol, les djihadistes de Jaych El Islam assuraient aussi, semble-t-il, des soins pointus à leurs combattants : entre les stocks, une autre pièce tranche avec les autres avec sa propreté. "On voit qu'ils ont essayé de laisser cet endroit propre, comme une vraie clinique. Et là c'est du matériel médical, des seringues, des médicaments. Il y a même une salle d'opérations", explique un autre soldat.

Attaque chimique supposée. Douma est également le site supposé d'une attaque chimique du régime de Bachar Al-Assad, en avril dernier. "Ce sont les rebelles qui avaient des armes chimiques, 5.000 bonbonnes de gaz pleines, amenées par les tunnels", explique un habitant de Douma sous l’œil des trois soldats qui accompagne notre reporter. "Et il y a un immeuble un peu plus loin, on dit qu'il y a des traces d'agents chimique. Il y a des gardiens qui en interdisent l'accès, donc, c'est bien qu'il y a des traces chimiques", ajoute-t-il. Si les armes se sont tues à Douma, les habitants n'ont pas encore, eux, la liberté de parole.