Le militaire est soupçonné d'avoir transmis des informations sensibles à la Russie. 2:49
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Antoine Terrel , modifié à
Au micro d'Europe 1, Pierre Conesa, spécialiste des questions stratégiques internationales et militaires, est revenu lundi sur l'arrestation d'un officier français soupçonné d'avoir espionné pour le compte de la Russie. "La précaution était de l'arrêter puis de le faire instruire par un juge", estime-t-il.
INTERVIEW

L'affaire évoque les plus célèbres récits d'espionnage. Comme l'a révélé dimanche Europe 1, un militaire français en poste à l'OTAN, soupçonné d'avoir transmis des informations sensibles à la Russie, a été arrêté pour trahison. De son côté, la ministre française des Armées Florence Parly a seulement confirmé sur notre antenne qu'un officier supérieur "est sous le coup d'une procédure judiciaire pour atteinte à la sécurité". Reste désormais aux enquêteurs à comprendre les éventuelles motivations du suspect, et les conditions de son recrutement.

Invité lundi d'Europe 1, Pierre Conesa, spécialiste des questions stratégiques internationales et militaires et ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense, est revenu sur cette intrigante affaire, pour laquelle le militaire est mis en examen pour quatre infractions. 

"L'OTAN reste intéressante pour les Russes", assure-t-il, et reste "une organisation militaire qui a un savoir-faire, des techniques de coopération, de planification". Et quand on fait de l'espionnage, "on a besoin d'avoir des gens partout. On n'est pas sûr de savoir lequel apportera l'information la plus adéquate au meilleur moment. On a besoin d'avoir des sources qui peuvent se confronter les unes aux autres". Et de conclure : "Avoir quelqu'un dans un état-major de l'OTAN, c'est évidemment un recrutement important".

À ce stade de l'enquête, fallait-il pour autant arrêter tout de suite le suspect, au lieu de le laisser poursuivre son action afin de, pourquoi pas, connaître encore un peu mieux son réseau ? Pour Pierre Conesa, la bonne décision a été prise. "A partir du moment où c'est dans un service interrallié, il vaut mieux l'arrêter tout de suite, sinon il faudrait coordonner les services de renseignement de tout le monde en disant : "Il a vu tel officier allemand, tel officier italien, etc". Aussi, estime-t-il, "la précaution était de l'arrêter puis de le faire instruire par un juge", car "on ne sait pas s'il leur a vendu des secrets défense gigantesques ou la roupie de sansonnet". 

"Vous pouvez tenir quelqu'un par un chantage affectif, sexuel"

Âgé d'une cinquantaine d'année et père de cinq enfants, comment le lieutenant-colonel suspecté aurait-il pu être recruté ? En la matière, rappelle l'invité d'Europe 1, il y a "des techniques assez classiques", comme l'argent. Mais les recruteurs peuvent aussi jouer sur des motivations idéologiques. Pierre Conesa rappelle ainsi que pendant la guerre en Bosnie, un officier avait trahi car il "souhaitait éviter la guerre". "Sa motivation, paradoxalement, était pacifique", dit encore Pierre Conesa. 

Enfin, "vous pouvez tenir quelqu'un par un chantage affectif, sexuel", ou encore en jouant sur sa "frustration". Selon Pierre Conesa, "la technique de l'agent recruteur est de savoir sur quelle forme il doit appuyer, pour amener quelqu'un, sans avoir ce sentiment de passer la ligne jaune, vers quelque chose qui est une espèce de complicité. De voir sur quelle corde agir pour à un moment, le faire basculer".