Pologne, restaurants 4:41
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Marie Le Puloch, en Pologne, édité par Antoine Cuny-Le Callet , modifié à
Un peu partout dans le monde, des mouvements de désobéissance civile s’organisent pour protester contre les mesures sanitaires qui prennent à la gorge de nombreux commerçants. En Pologne, les restaurateurs, hôteliers, bars et stations de ski usent de subterfuges pour ouvrir malgré les interdictions. Europe 1 s'est rendue à Katowice dans le sud du pays.
REPORTAGE

Devant un restaurant de burgers de la ville de Katowice, dans le sud de la Pologne, une dizaine de personnes font la queue pour avoir une table. "On en avait marre de rester à la maison, on voulait vraiment sortir en allant dans un resto", déclare au micro d’Europe 1 une étudiante rencontrée dans la file d’attente. Sa camarade, ravie de sortir à nouveau, renchérit : "En plus on étudie en ligne, on n’a pas d’échanges avec l’extérieur." Signe du sentiment de lassitude, d’angoisse et parfois de révolte qui monte, nombreux sont ceux qui font le choix de braver les interdictions liées au Covid-19. Le mouvement a démarré mi-janvier dans les montagnes du sud du pays et souffle désormais dans tout le pays. Notre reporter de l'émission "Les Carnets du monde" s'est rendue sur place. 

Des clients officiellement "testeurs de nourriture"

Fermé depuis fin octobre, ce restaurant a rouvert ses portes il y a dix jours. Ce soir-là, la salle est pleine et les serveurs débordés. Sur la table d’entrée sont posés du gel hydroalcoolique, un thermomètre… ainsi qu’un contrat distribué aux clients. Celui-ci stipule qu’ils sont employés comme "testeurs de nourriture", un stratagème inventé pour empêcher la police d’entrer sur les lieux, considérés comme un espace de travail.

"Les clients nous remercient d’avoir franchi le pas, et nous on les remercie de venir, c’est vraiment beau ! On reçoit beaucoup de soutien", lâche Sylwia Hebert, à la tête du restaurant, qui ne regrette visiblement pas d'avoir rouvert. Elle affirme que les derniers mois ont été particulièrement éprouvant psychologiquement. "Encore deux mois comme cela, à ne rien faire, et on aurait perdu quelque chose qu’on a passé notre vie à construire ! C’était une question de vie ou de mort." Les pertes se sont en effet accumulées au fil des mois entre le loyer à payer et les salaires des employés que la jeune femme a voulu garder. Elle dit n’avoir reçu qu’une aide d’un peu plus de 1.000 euros de la part de l’État.

Comme Sylwia Herbert, des centaines d’entrepreneurs ont décidé d’enfreindre les restrictions imposées par le gouvernement avec différents stratagèmes. Une patinoire a ainsi été transformée en fleuriste pour rester ouverte. Certaines remontées mécaniques ont demandé aux skieurs de signer un formulaire d’adhésion pour une organisation politique, faisant des pistes de ski le terrain d’un meeting. Face à cette fronde, les autorités ont promis un coup de pouce supplémentaire pour les municipalités dans les montagnes, qui vivent du tourisme. Mais le gouvernement a aussi menacé les commerces qui rouvrent d’être exclus des prochaines aides.

"Rouvrir, c’est notre moyen de nous défendre"

Les menaces n’ont en tout cas plus d’effet sur Marcin, le manager d’un restaurant voisin de celui de Sylwia Hebert. Son établissement de cuisine polonaise accueille lui aussi des clients. "Le gouvernement nous a dit que l’on pourrait rouvrir le 17 janvier, et cela n’est pas arrivé. On s’était préparé, on avait commencé à faire les comptes, on a dépensé de l’argent", affirme-t-il, poursuivant : "Rouvrir, c’est notre moyen de nous défendre. La loi est de notre côté. C’est le gouvernement qui se rebelle, pas nous !" La discussion est interrompue par l’arrivée de la police. Après un bref échange avec les propriétaires, elle repart. 

Si les entrepreneurs qui rouvrent risquent une amende de 30.000 zlotys (environ 6.500 euros), la plupart disent vouloir contester l’affaire en justice. Début janvier, un tribunal local a jugé que les restrictions n’étaient pas légales, dans la mesure où le gouvernement polonais n’a pas déclaré l'état d’urgence.