Voitures propres : il ne faut "pas tenter d'améliorer la voiture en l'état" pour diminuer le trafic, estime Bruno Marzloff

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Ugo Pascolo
Invité de Fabienne Le Moal à quelques jours de l'ouverture du Mondial de l'automobile à Paris, Bruno Marzloff, spécialiste de la mobilité, livre sa solution pour concilier déplacements et écologie. 
INTERVIEW

Pour réduire le trafic urbain, "il faut penser des solutions en rupture et non pas tenter d'améliorer la voiture en l'état". Invité de Fabienne Le Moal dimanche, Bruno Marzloff, sociologue et spécialiste de la mobilité, dresse un bilan de la relation des Français avec leur voiture, alors que s'ouvre dans quelques jours le Mondial de l'automobile, à Paris.

"Quand il y a alternative à la voiture, les gens l'utilisent moins". "Alors que 85% des Français possèdent une voiture, Paris a été vidée de ses voitures il y quinze jours [le 16 septembre, quatrième édition de la Journée sans voiture à Paris, ndlr]", analyse le sociologue au micro d'Europe 1. "Il y a donc une véritable tension qui existe autour des déplacements motorisés et des déplacements doux ou actifs. […] La véritable question est donc de savoir si nous sommes accros à la voiture, ou captifs ? Car, selon une étude, 67% des européens disent qu'ils n'ont pas d'autres choix que de prendre leur voiture pour aller travailler. Et on voit que dans une ville comme Paris, où le choix existe, seulement 5% des personnes utilisent leur voiture au quotidien, avec un taux de possession inférieur à 40%. C'est très peu", avance-t-il. "Le résultat est donc là : quand il y a alternative à la voiture, les gens l'utilisent moins." 

"On atteint les limites du système". "Aujourd'hui, on atteint les limites du système : à la fois pour les grandes villes qui s'échinent à réagir contre les embouteillages, et à la fois de la part des usagers qui, face à l'étalement des villes, sont amenés à avoir des 'déplacements subis' de plus en plus longs", explique-t-il. "Rien que sur les 500.000 actifs de la région Île-de-France, la moitié a 2h20' de déplacements par jour, tout simplement parce que les distances n'ont cessé de se distendre entre le domicile et le lieu de travail. […] "On est donc face à un problème de pénibilité, de pollution, mais aussi de budget : pour les foyers les plus modestes, une voiture représente 40% du budget. Et ce qu'il faut voir, c'est que les budgets mobilité et immobilier sont très fortement liés. Il y a donc ce choix à faire sur la question du moyen de transport et du cadre de vie", avance le sociologue. 

La solution ne viendra pas de l'industrie automobile. Avec l'ouverture du Mondial de l'automobile et l'objectif de concilier mobilité et écologie, l'industrie des véhicules à moteur peut-elle offrir une solution ? "Certainement pas", tranche Bruno Marzloff. "On est dans la poursuite, le prolongement d'un modèle qui existe depuis un siècle, qui a été un choix de société assumé, dont on mesure que l'on ne peut pas le poursuivre en l'état".

Voitures électriques, propres, connectées, partagées...aucune ne trouve grâce aux yeux du spécialiste. "Si on vise une réduction drastique du parc auto, il faut offrir des alternatives [...] et réduire les mobilités subies : c'est-à-dire se déplacer parce qu'on le veut et pas parce qu'on le doit", dévoile-t-il. "Dans cette optique, le remboursement de la téléconsultation médicale est une bonne chose, mais cela ne suffit pas. […] Il faut aussi penser aux marchandises : aujourd'hui, le e-commerce représente 15% du trafic de Paris et 25% de l'espace-temps, car le camion de livraison va rester sur place et gêner la circulation. […] Pour réduire le nombre de voitures, il faut donc penser des solutions en rupture, et non pas tenter d'améliorer la voiture en l'état", conclut-il.