Covid-19 : "Oui, nous risquons de faire un tri beaucoup plus grave des patients"

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Romain David , modifié à
Invité mercredi d'Europe Matin, Gilbert Deray, le chef du service néphrologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, a estimé que les chiffres de l'épidémie laissent présager d'un afflux de plus en plus important dans les services de réanimation, ce qui pourrait contraindre les soignants à opérer un tri parmi les malades les plus sévèrement touchés.
INTERVIEW

Une quarantaine de médecins, directeurs de crise des hôpitaux parisiens de l'AP-HP, ont lancé un cri d'alerte ce week-end dans les colonnes du Journal du Dimanche, estimant que la flambée épidémique et l'augmentation des cas de Covid-19 admis en réanimation allaient bientôt contraindre ces services à sélectionner les malades pour sauver plus de vies. "On a une situation qui est très grave, le tri a déjà commencé, parce que je rappelle que déprogrammer des patients c'est déjà un tri", relève mercredi, au micro d'Europe 1, Gilbert Deray, le chef du service néphrologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. "Est-ce que nous risquons de faire un tri des patients beaucoup plus grave que ça, à savoir choisir ceux qui peuvent aller en réanimation ou pas ? Oui, c'est ce que nous disent les chiffres."

"Oui, les réas sont pleines, oui, les chiffres ne sont pas bons et oui, les prévisions sont catastrophiques", poursuit ce médecin, qui se dit favorable à la mise en place d'un confinement strict, alors qu'un conseil de défense prévu mercredi à 9 heures à l'Elysée devrait permettre à l'exécutif de passer au peigne fin les différentes options pour tenter d'endiguer cette troisième vague, désormais plus importante que celle de novembre. À l'issue de cette réunion, Emmanuel Macron prononcera une allocution à 20 heures, l'occasion, très vraisemblablement, d'un nouveau tour de vis. "Nous devons ralentir la vitesse d'évolution de l'épidémie", enjoint Gilbert Deray.

La France comptait mardi 5.072 malades en réanimation, selon les chiffres publiés par le gouvernement, tandis que les contaminations ne semblent pas devoir refluer. En comptant les malades du Covid et les autres, près de neuf lits de réanimation sur dix sont désormais occupés, soit 6.833 sur 7.665 disponibles.

 

Un confinement de deux mois

Gilbert Deray estime que la stratégie sanitaire appliquée depuis janvier, et qui a consisté à laisser circuler le virus, tout en maintenant la plupart des activités économiques du pays et une relative liberté de déplacement pour les Français, a eu un coût humain plus important que n'en aurait eu un reconfinement. "On nous dit depuis des mois qu'il ne faut pas confiner parce que c'est mauvais pour la population, mais cela veut dire qu'il faut accepter 300 morts par jour, des variants qui risquent de devenir résistants aux vaccins, des déprogrammations massives et des Covid long", tacle-t-il. "Faites-moi la démonstration qu'un confinement de deux mois en décembre et en janvier aurait été pire ?"

À ses yeux, seule une nouvelle période d'enfermement permettra de faire baisser les contaminations, tout en accélérant la vaccination. "C'est la vaccination qui va nous sortir de cette crise en 2021", conclut-il.