Mort de Charles Pasqua, le sulfureux gaulliste

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Charles Pasqua, le 30 mai 2015. © AFP
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Europe 1.fr , modifié à
PORTRAIT - Le gaulliste à la carrière politique longue de près de cinquante ans est mort lundi après-midi à l'âge de 88 ans.

Sa voix forte et son accent ne résonneront plus au sein de la classe politique ou sur les plateaux de télévision. Charles Pasqua, ancien sénateur et à deux reprises ministre de l’Intérieur, est mort lundi soir à l’âge de 88 ans des suites d'un accident cardiaque. Fervent admirateur du général de Gaulle, longtemps bras droit de Jacques Chirac, celui qui avait fait des Hauts-de-Seine son fief électoral n’a jamais réussi à faire fructifier le "matelas électoral" dont il disait jouir à droite. A quelques signatures près de pouvoir être candidat à l’élection présidentielle de 2002, il a été rattrapé par les affaires qui marqueront la fin de sa vie.

Un Corse admirateur du Général. S’il est né à Grasse, dans les Alpes-Maritimes, en 1927, l’accent de Charles Pasqua a toujours trahi son origine corse. L’insulaire, en vacances sur l’Île de Beauté presque chaque année, a pourtant vécu la plupart de sa vie sur le continent. Son engagement pour la France débute en 1942, lorsque son admiration pour de Gaulle le pousse à entrer dans la Résistance. Il a 15 ans à peine.

C’est d’ailleurs avec la même ferveur que le jeune Charles embrassera le projet d’indépendance que le grand Charles prévoit pour l’Algérie, alors encore française. Pour lutter contre ceux qui ne seraient pas d’accord, notamment du côté de l’OAS, il participe en 1959 à la création du Service d’Action Civique (SAC), sorte de milice politique gaulliste. Il sera également à l’origine de la manifestation parisienne de soutien à de Gaulle en 1968 qui rassembla un million de personnes.

L’éternel n°2. Parallèlement à son engagement politique, il gravit les échelons dans l’entreprise Ricard. Entré simple représentant dans l’entreprise en 1952, il devient progressivement directeur régional, directeur général des ventes puis des exportations. Quand il quitte l’entreprise en 1967, il est devenu le numéro 2, une position qui le suivra longtemps dans sa carrière politique.

Elu député en 1968 dans son désormais fief électoral des Hauts-de-Seine, Charles Pasqua se rapproche de Jacques Chirac. Il participe à l’ascension politique du futur président en devenant un pilier des campagnes de 1981 et de 1988. En récompense, il devient une première fois ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de cohabitation en 1986. Ses deux ans place Beauvau seront marqués par une politique sécuritaire et la répression des manifestations étudiantes opposées à la loi Devaquet qui se solderont par la mort du jeune Malik Oussekine.

Un souverainiste convaincu. Au lendemain de la seconde défaite de Jacques Chirac à l’élection présidentielle, son compagnon de 20 ans commence à prendre ses distances. Déjà minées par les manoeuvres du futur président pour faire élire François Mitterrand face à VGE en 1981, leurs relations empirent alors que Charles Pasqua ne reconnaît plus en lui l’héritier du gaullisme qui l’avait séduit par le passé.

Entre-temps devenu sénateur, il tente un putsch souverainiste en 1990 lors des assises nationales du RPR (ancêtre de l’UMP) en s’alliant avec Philippe Seguin. C’est finalement la motion de Jacques Chirac et d’Alain Juppé qui l’emporte avec plus de deux tiers des voix. Il poursuit son idée en s’associant à Philippe de Villiers pour s’opposer en 1992 au traité de Maastricht.

L’échec Balladur... Il retrouve le ministère de l’Intérieur en 1993 dans le gouvernement d’Edouard Balladur. Il pratique une politique très stricte en matière d’immigration et fait notamment voter un durcissement des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Mais c’est aussi sous sa direction qu’est arrêté le terroriste Carlos et qu’est neutralisé le commando du Groupe islamique armé (GIA) dans un avion d’Air France à Marseille en 1994.

Dans un ministère élargi, Charles Pasqua s’arroge les compétences d’aménagement du territoire pendant deux ans et devient un homme politique de premier plan. A quelques mois de la présidentielle de 1995, il n’a toujours pas donné sa préférence dans le duel fratricide entre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Il choisira finalement de soutenir le dernier. Mal lui en prend, Balladur est éliminé au premier tour, Chirac élu largement au second.

Et les affaires. S’amorce alors le déclin de la carrière politique du corse. Elu en 1999 au Parlement européen, il préside le groupe d’Union pour l’Europe des nations et fonde avec Philippe de Villiers le Rassemblement pour la France (RPF). En 2002, il tente de faire fructifier la sympathie dont il jouit dans le parti majoritaire et à l’extrême-droite pour se présenter à l’élection présidentielle. Problème : c’est aussi à ce moment que commencent ses ennuis judiciaires.

Dans les années 2000, le sénateur est concerné par près de dix dossiers politico-financiers, dont l’affaire Pétrole contre nourriture, celle des ventes d’armes à l’Angola (Angolagate) ou encore la question de son rôle dans l’octroi d’une licence pour le casino d’Annemasse, en Haute-Savoie. Il est finalement condamné dans le cadre de cette dernière, ainsi que pour l’affaire dite de la Fondation Hamon et celle de la Sofremi. Ses collaborateurs ne sont pas moins chanceux. Parmi les membres de son cabinet au ministère de l’Intérieur entre 1993 et 1995, sept ont été condamnés, calcule Le Monde en 2009.

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