Viktor Orbán 2:59
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Jean-Sébastien Soldaïni, avec AFP, édité par Mathilde Durand
En Hongrie, le pays qui déplore le plus grand nombre de morts du Covid-19 par rapport à sa population, avec 26.000 décès pour près de 10 millions d'habitants, le gouvernement de Viktor Orbán a pourtant annoncé un assouplissement des mesures de restrictions. L'État mise sur la vaccination avec les produits russes et chinois, deux vaccins pas encore homologués par l'Union européenne. 
REPORTAGE

La Hongrie allège ses restrictions, malgré une mortalité très élevée. Le pays d'Europe centrale, qui compte environ 10 millions d'habitants, est celui qui déplore le plus grand nombre de morts du Covid-19 par rapport à sa population, avec 26.000 décès enregistrés à ce jour. Pourtant, le Premier ministre Viktor Orbán a décidé de rouvrir samedi dernier les terrasses des cafés et des restaurants. Suivront ensuite les hôtels, théâtres, cinémas, salles de gym, bains publics ainsi que les salles intérieures des restaurants, sous présentation d'un "certificat d'immunité". Europe 1 s'est rendue sur place, où la politique semble prendre le pas sur le sanitaire.

Depuis l'annonce de la réouverture, chaque soir la jeunesse de Budapest se retrouve dans les bars, sans masque et sans distance. Interrogés sur le taux de mortalité en Hongrie, les réponses varient de la découverte à l'ironie. "Nous sommes champions du monde !", plaisante une jeune femme. "Alors, oui c'est vrai, je ne suis pas vaccinée, mais être dehors en terrasse, c'était nécessaire maintenant". "C'est étonnant d'avoir pris cette décision car le virus circule encore", reconnaît un autre client. "Mais c'est le choix du gouvernement et on vit dans un monde nouveau. C'est génial !"

Des vaccins "orientaux" contre l'Union européenne

Certains affirment qu'ils sont vaccinés donc protégés contre le coronavirus. C'est le cas de 40% de la population environ : la barre des "3,5 millions" de personnes vaccinées a été atteinte, annonçait Viktor Orbán dans sa dernière interview hebdomadaire. Mais si le pays affiche un taux de vaccination très élevée, il est le seul à utiliser le sérum russe Spoutnik et le produit chinois Sinopharm, dont l'efficacité n'a pas encore été validée par le régulateur européen. Le Premier ministre les a autorisés sans l'aval de l'Union européenne, prenant le risque qu'ils ne parviennent pas à enrayer la pandémie.

Derrière ces choix gouvernementaux, ce sont les enjeux politiques qui semblent prendre le pas sur la situation sanitaire. En interne, le Viktor Orban satisfait la jeunesse de son pays. Mais au-delà, il profite de cette situation pour provoquer l'Union européenne. "Choisir ces vaccins, ça rentre parfaitement dans son discours anti-Union européenne", décrypte Patrick Sikerle, politologue. "Comme quoi Bruxelles ne sert à rien, que c'est lent et bureaucratique. L'Union européenne ne servirait qu'à enlever des compétences aux Etats membres, alors qu'ils auraient besoin de plus d'autonomie vis à vis de Bruxelles."

Et Viktor Orbán affine sa rhétorique : lorsqu'il parle des vaccins chinois et russe, il évoque "les vaccins orientaux", par opposition aux "vaccins occidentaux" : Pfizer et Moderna.

Des militaires à la tête des hôpitaux

Le Premier ministre hongrois est conseillé par des scientifiques, mais il ne les écoute pas en priorité. Selon un médecin généraliste, très remonté, ce n'est pas la science qui fonde les décisions du gouvernement. "C'est le ministère des Affaires étrangères qui a demandé que ces vaccins russes et chinois soient autorisés chez nous", déplore-t-il. "Et depuis le début de la pandémie, vous avez un militaire, un officier de l'armée, qui a été placé à la tête de chaque hôpital."

Tous marchent au pas et cela permet à Viktor Orbán d'affirmer que son pays vaccine "vitesse grand V". C'est vrai, mais en mettant cela en avant dans les médias qu'il contrôle, ça lui permet aussi d'occulter la très forte mortalité dans son pays.