Corée du Sud : les JO 2018 sont-ils menacés par la crise nord-coréenne ?

Pyeongchang, où se dérouleront les Jeux du 9 au 25 février, n'est situé qu'à quelque 80 km de la frontière avec la Corée du Nord.
Pyeongchang, où se dérouleront les Jeux du 9 au 25 février, n'est situé qu'à quelque 80 km de la frontière avec la Corée du Nord. © JUNG YEON-JE / AFP
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Les JO 2018, prévus du 9 au 25 février à Pyeongchang, en Corée du Sud, se dérouleront à quelque 80 km de la frontière avec la Corée du Nord. Malgré les inquiétudes, le CIO se veut rassurant.

"Si le Nord se livre à un nouvel acte de provocation au moment où les JO sont imminents, cela pourrait leur porter un coup fatal". Le ministre sud-coréen de l'Unification, Cho Myoung-Gyon, ne cache plus son inquiétude, alors que la Corée du Nord a procédé mercredi à un nouveau tir de missile balistique. Car les Jeux olympiques d'hiver, prévus à Pyeongchang, se dérouleront à seulement 80 kilomètres environ de la Zone démilitarisée (DMZ), la frontière mal nommée qui divise la péninsule.

Février-mars : une période de vives tensions

L'inquiétude de la Corée du Sud ne vient évidemment pas de nulle part. D'abord, les deux pays sont encore officiellement en guerre, chacun revendiquant le territoire de l'autre. Mais c'est aussi la période de ces Jeux qui pose question. Les épreuves sont prévues du 9 au 25 février, avant les Jeux paralympiques, programmés eux du 9 au 19 mars. C'est précisément à ce moment-là – fin février, début mars – que se tiennent en principe les exercices annuels conjoints de la Corée du Sud et des États-Unis, baptisés Key Resolve/Foal Eagle.

Des manœuvres qui ne manquent jamais de susciter la colère de Pyongyang qui les considère comme la répétition de l'invasion de son territoire. Les tensions montent alors systématiquement d'un cran, et le Nord se livre en général à ses propres exercices, y compris des tirs de missiles.

Une concomitance qui ne serait pas prise à la légère par le pays du Matin calme. L'agence sud-coréenne Yonhap, qui cite des sources militaires, rapporte que Séoul pourrait ainsi demander le report de ces manœuvres militaires, pour éviter qu'elles ne coïncident avec les Jeux. La Maison Bleue, la présidence sud-coréenne, a toutefois déclaré que le sujet n'avait pas été discuté et qu'aucune décision n'avait été prise.

Le précédent des Jeux de 1988

Autre raison de l'inquiétude sud-coréenne : de telles menaces ont déjà été concrétisées dans le passé. Il y a trente ans, la Corée du Nord s'était vu refuser par le Comité international olympique (CIO) de co-organiser les Jeux olympiques d'été de 1988, confiés à Séoul. Face à ce refus, Pyongyang avait décidé de boycotter les Jeux. Pire, neuf mois avant la cérémonie d'ouverture, en novembre 1987, un attentat contre un Boeing de la Korean Airlines avait fait 115 morts. L'attaque avait été attribuée à des agents de la Corée du Nord. L'un deux avait notamment expliqué que Kim Jong-Il, à la tête du pays à l'époque, avait ainsi voulu effrayer les athlètes et dissuader les touristes de se rendre à l'évènement, rapporte Reuters.

Plus récemment, en juin 2002, alors que la Corée du Sud se préparait à rencontrer la Turquie lors de la Coupe du monde de football, des navires militaires nord-coréens avaient franchi la frontière maritime et échangé des tirs avec des navires sud-coréens, faisant six morts parmi les marins.

L'inquiétude de certains athlètes

La situation est telle que plusieurs pays ont déjà fait part de leurs interrogations. "Si ça s'envenime et qu'on n'arrive pas à avoir une sécurité affirmée, notre équipe de France resterait ici", avait notamment affirmé Laura Flessel, la ministre des Sports, en septembre.

"Si la situation se dégrade et que la sécurité de nos athlètes n’est plus garantie, nous n’irons pas en Corée du Sud", avait également expliqué le président du Comité national olympique autrichien. "Une décision sur l'envoi d'une équipe allemande aux Jeux olympiques et paralympiques d'hiver 2018 à Pyeongchang sera évaluée en temps utile par le gouvernement, le Comité national olympique et les autorités compétentes de sécurité", avait quant à lui affirmé le ministère allemand de l'Intérieur.

"Les Jeux olympiques constituent le plus grand événement pour un sportif. Mais j’aimerais aussi rentrer à la maison en bonne santé", a même lancé la semaine dernière la biathlète allemande Laura Dahlmeier. "S’il y a un danger aigu pour nos vies d’athlètes, je n’irai certainement pas à Pyeongchang", a assuré la championne du monde de poursuite dans les colonnes de Bild.

Le CIO fait tout pour rassurer

Une anxiété qui tranche néanmoins avec la majeure partie des sportifs engagés en février. "Je ne pense pas que les pays concernés aient envie que cela aille aussi loin. Je ne pense donc pas que cela puisse arriver", a ainsi estimé l'Américain Ted Ligety, champion de slalom géant.

Même son de cloche du côté de Martin Fourcade. Selon le porte-drapeau de l’équipe de France, "les choses sont prises très au sérieux par le CIO, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le ministère des Sports", a-t-il déclaré fin septembre, confiant, dans les pages du Parisien. "Tout le monde observe la situation, on fait confiance aux institutions pour prendre les mesures nécessaires, si mesures à prendre il y a. Pour le moment, ce n'est pas à l'ordre du jour".

L'organisation ne ménage pas ses efforts, en effet, pour calmer le jeu. "La sécurité des athlètes et leur bien-être sont évidemment la préoccupation principale du CIO", a assuré l’instance. "Nous sommes en contact avec les chefs de gouvernement concernés et les Nations unies. Personne, dans aucune discussion, n'a exprimé de doutes sur les Jeux olympiques d'hiver 2018."

La Corée du Sud mise sur la paix… tout en se préparant

La Corée du Sud elle-même multiplie les gestes d'apaisement avec son voisin. En proposant notamment, en juillet dernier, que certaines épreuves de ski de ces Jeux puissent se dérouler en Corée du Nord, à la station de ski du mont Masik, et que les deux Corées constituent une équipe unifiée de hockey sur glace, afin de faire de ces Jeux les "Jeux de la paix". Autant de propositions déclinées par le Comité olympique nord-coréen, officiellement en raison d'un manque de temps pour tout mettre en place.

Séoul a également autorisé la délégation nord-coréenne à entrer en Corée du Sud par voie terrestre, en traversant exceptionnellement, donc, la Zone coréenne démilitarisée, habituellement fermée au trafic routier.

Un dispositif supplémentaire de sécurité a néanmoins été déployé. 5 000 militaires seront chargés de la sécurité lors de la compétition, soit le double de ce qui avait été mis en place lors du Mondial de foot en 2002. Selon l’agence Reuters, le Comité d’organisation des JO-2018 va aussi recruter une entreprise en cyber-sécurité pour contrer d’éventuelles attaques informatiques.

Le seul membre nord-coréen du CIO s'est quant à lui voulu rassurant : "Je pense que la politique est une chose et que les Jeux olympiques en sont une autre. Je ne vois donc pas de grand problème pour les Jeux olympiques de Pyeongchang", avait-il confié mi-septembre en marge de la réunion de l'instance olympique à Lima, au Pérou.

Aux JO d'été de 2000 et de 2004, ainsi qu'aux Jeux d'hiver de 2006, les deux délégations avaient même défilé ensemble sous le drapeau de l'unification coréenne, en signe de réconciliation. "Nous espérons que ces Jeux apporteront la paix et la prospérité au monde entier", a souligné le gouverneur de la région de Pyeongchang. En coréen, "pyeong" signifie "paix" et "chang", "prospérité".

 

 

 

Les billets peinent à se vendre

Conséquence ou pas de la vive tension qui règne dans la région, seuls 32% des billets ont été vendus à moins de cent jours du début de la compétition, rapportait Bloomberg au début du mois. À titre de comparaison, lors des précédents Jeux d'hiver de Sotchi, en Russie, plus de 70% des tickets avaient déjà trouvé preneur avant la cérémonie d'ouverture.