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Romain David
Pour François Hommeril, le président du syndicat CFE-CGC interrogé par Matthieu Belliard sur Europe 1, cette mesure avancée par Muriel Pénicaud pourrait pousser les hauts salaires à se tourner vers un système privé, au détriment de la solidarité inter-catégorielle. 
INTERVIEW

Le gouvernement veut encadrer les allocations chômage des cadres. Cette piste, déjà évoquée en février, semble désormais confirmée. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a annoncé dans un entretien accordé aux Échos et publié mardi "une mesure pour les hauts revenus qui tiendra compte de l'âge". Cette responsable gouvernementale estime en effet que la durée d'indemnisation a tendance à s'allonger plus celle-ci est haute. Elle rappelle également que le taux de chômage des cadres n'était que de 3,8% en 2017.

Pour la CFE-CGC, qui se présente comme le premier syndicat du portage salarial, cette mesure risque de mettre au pilori toute une catégorie sociale. "C'est l'exacte définition d'une mesure populiste : une mesure qui n'a aucun sens économique, aucun sens pratique, qui est prise en fonction de critères subjectifs", dénonce ainsi au micro de Matthieu Belliard, dans Le grand journal du soir sur Europe 1, François Hommeril, le président du syndicat CFE-CGC. "On donne une catégorie à la vindicte des autres, je trouve ça absolument scandaleux. C'est, pour tout dire, une mesure assez inique", s'agace-t-il. 

300.000 cadres demandeurs d'emploi

Ce responsable syndical conteste également les chiffres avancés par le gouvernement : "Il y a 300.000 cadres qui, aujourd'hui, sont demandeurs d'emploi. Sur une population de 4 millions de cadres, ça ne fait pas les 3,8% avancés par le ministère", pointe-t-il. Pour rappel, en 2017, 75% des cadres au chômage percevaient une allocation. Son calcul était établi sur un salaire de référence moyen de 3.900 euros par mois, selon les chiffres avancés par Cadreo, une plateforme de recrutement dédiée aux cadres.

>> De 17h à 20h, c’est le grand journal du soir avec Matthieu Belliard sur Europe 1. Retrouvez le replay ici

Les cadres, principaux contributeurs du régime

"Le système est assuranciel, ça veut dire que les gens cotisent sur leur niveau de revenus [...] pour s'assurer sur le risque de se retrouver privé d'emploi, et donc privé de revenu", rappelle François Hommeril. "Il y a un principe d'équivalence dans un dispositif assuranciel : les cadres, sur leur cotisation, financent à 40% le régime et n'en consomment que 15%. Autrement dit, c'est parce qu'il y a ces cotisations-là que l'on peut verser des cotisations à ceux qui ne sont pas cadres et qui sont très éloignés de l'emploi", poursuit-il, toujours au micro d'Europe 1. Il évoque ainsi "10 milliards d'euros versés à la solidarité inter-catégorielle" par les plus hauts salaires.

"C'est une attaque contre le principe de solidarité inter-catégorielle", ajoute le président de la CFE-CGC. Il estime en effet que l'encadrement des allocations chômages des cadres pourrait inciter ces derniers, ou du moins ceux bénéficiant de très hauts revenus, à se tourner vers des assurances privées. À ses yeux, l'encadrement des contrats courts reste la première mesure à prendre pour permettre au régime de l'assurance chômage de faire des économies. "C'est ce qui coûte le plus cher au régime : le sur-abus des contrats courts, c'est six milliards d'euros", avance-t-il. "C'est le premier levier auquel il faut toucher", conclut François Hommeril.