Céline, 47 ans, mère d'un enfant précoce : "On est toujours en train d'essayer de se justifier auprès des autres"

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Romain David , modifié à
Mère d'un enfant surdoué, Céline raconte au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, l'incompréhension d'une partie de son entourage face au comportement de son fils.
LA FRANCE BOUGE

Céline, 47 ans, est la mère de Mathis, un petit garçon de 9 ans. Longtemps, le comportement de son fils a été celui d'un enfant particulièrement turbulent, incapable de s'adapter au cadre scolaire. Lorsqu'une psychologue a diagnostiqué son haut potentiel intellectuel, Céline, elle-même sœur d'un surdoué contrarié, a commencé à se battre pour que Mathis parvienne à s'adapter malgré sa différence. Au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1, cette mère raconte son parcours face aux préjugés sur les surdoués :

"Mathis était un petit garçon curieux de tout, qui posait plein de questions et qui apprenait très vite. À la garderie, ça se passait très bien, il avait hâte d'aller à l'école car on lui disait qu'il apprendrait plein de choses, et il était très content d'enfin pouvoir 'apprendre le monde'. Quand il est arrivé à l'école, il a été rapidement déçu. Il s'attendait à avoir des réponses existentielles sur les questions qu'il nous posait : la vie, la mort, le corps humain, les planètes, l'univers...

[…]

Quand il s'est rendu compte qu'on apprenait à compter - ce qu'il savait déjà plus ou moins faire -, que l'on apprenait à dessiner - ce qu'il n'aimait pas du tout faire -, et qu'on ne lui répondait pas, ça a été une grosse frustration pour lui et pour la maîtresse aussi, parce qu'il posait plein de questions qui n'avaient aucun rapport avec le cours qu'elle avait préparé.

 

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À mesure que la frustration du petit garçon augmente, son comportement change

Il était très agité, il n'arrivait pas à dormir le soir. Dès qu'on lui faisait une réflexion qu'il n'aimait pas, qu'on lui demandait de faire quelque chose qu'il n'aimait pas ou que l'on faisait une transition entre une activité et une autre, il n'y allait pas. À la moindre contrariété, quand on n'avait pas la réponse à quelque chose, il faisait des crises à retourner sa chambre, à lancer des objets. Dans un centre commercial, si on ne voulait pas lui acheter quelque chose, il pouvait se rouler par terre.

Très rapidement, le regard des gens se pose sur nous, sur notre façon d'élever un enfant, sur le fait qu'il soit différent. […] On se remet beaucoup en question. On nous disait que l'on n'était pas assez sévère. Mais quand on était sévère avec lui, ça ne marchait pas du tout. Il bloquait.

Si Céline finit par prendre conscience du potentiel de son fils, elle peine à sensibiliser son entourage

À quatre ans, on a décidé de l'emmener voir une psychologue, pour savoir pourquoi il faisait autant de crises, pourquoi il ne trouvait pas sa place, ne voulait pas aller à l'école. La psychologue nous a conseillé d'aller faire un test en disant : 'Mathis, a priori, va bien psychologiquement, mais je sens qu'il a un haut potentiel, qu'il est surdoué'. Avec son papa, on ne savait pas du tout ce que c'était. On a pris conscience que ça existait, que peut-être notre enfant était différent, et que ça n'était pas notre façon de l'éduquer qui l'avait rendu comme ça.

On a essayé de faire comprendre à notre famille, à ses grands-parents, à l'école que si Mathis posait autant de questions, été parfois dans la défiance ou se renfermait, ce n'est pas parce qu'il était mal élevé ou caractériel, mais parce qu'il avait un fonctionnement différent. On s'est rendu compte que les gens ne comprenaient pas. […] En tant que parent d'un enfant différent, on est toujours en train d'essayer de se justifier auprès des autres personnes. On a l'image d'un enfant surdoué comme d'un génie. Mais ça n'est pas vrai. […] Il ne s'adapte pas, c'est un enfant qui ne peut pas rester assis pendant des heures pour écouter quelqu'un, il doit bouger pour apprendre. […] C'est un fonctionnement compliqué à comprendre.

Un secret de famille a poussé Céline à se battre pour que son fils "trouve sa place"

Au moment où j'ai appris que mon fils était surdoué, j'en ai parlé à mes parents [...], et j'ai découvert que mon frère avait aussi été testé précoce, à 10 ans. Il avait eu les mêmes difficultés, est allé d'échec scolaire en échec personnel et professionnel, et a fini par se suicider. J'ai eu une énorme peur par rapport à mon fils. C'est là que le combat est arrivé, en me disant que mon frère, qui avait ce profil-là, ne s'en était pas sorti. Il fallait que l'on trouve une solution pour que mon fils n'ait pas la même fin.

[...]

L'école n'a pas voulu nous écouter, n'a pas voulu faire de saut de classe, n'a pas réussi à mettre en place quelque chose de plus adapté à Mathis, même si on a tout fait pour les sensibiliser. Ça n'a pas fonctionné. On a cherché toutes les solutions possibles et, heureusement, dans notre ville, il y avait un système alternatif qui est l'école Montessori. Il a trouvé une place, il a trouvé sa place. Il est plus heureux. Il fait moins de crise, il s'adapte mieux. C'est vivable à la maison. Enfin, il rentre de l'école en nous disant : 'j'ai fait quelque chose.'"

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