Des étudiants pro-palestiniens sanctionnés par Columbia pour refus de quitter leur campement

© KENT NISHIMURA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES VIA AFP
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avec AFP
L'université Columbia à New York, épicentre d'un mouvement universitaire pro-palestinien sur les campus américains, à décider de sanctionner des étudiants qui refusent de quitter un campement depuis dix jours. 

 

L'université Columbia à New York, d'où est parti un mouvement pro-palestinien sur des campus aux États-Unis, a commencé à sanctionner des étudiants qui refusent de quitter, "sauf par la force", un campement installé depuis dix jours. La nouvelle vague du mouvement d'étudiants et de militants contre la guerre que conduit Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a gagné nombre d'établissements, de la Californie (ouest) à la Nouvelle-Angleterre (nord-est) en passant par le centre et le sud du pays.

Un "village" de tentes, 200 occupants

"Nous avons commencé à suspendre (administrativement) des étudiants, dans le cadre de cette nouvelle étape pour assurer la sécurité de notre campus", a annoncé à la presse lundi soir le vice-président chargé de la communication de Columbia, Ben Chang. Après un week-end relativement calme sur le campus, où est installé un "village" de tentes, la présidente de Columbia Minouche Shafik a lancé lundi un ultimatum expirant à 18 heures GMT. Elle a exhorté 200 occupants d'un campement à partir, à la suite de l'échec de cinq jours de négociations pour une solution à l'amiable.

Ces étudiants et militants pro-palestiniens exigeant que Columbia, université privée, coupe les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël, avaient alors appelé à "protéger le campement". "Nous ne serons pas délogés, sauf par la force", a crié lors d'un point de presse Sueda Polat, une dirigeante étudiante du mouvement en dénonçant "une tactique pour faire peur qui ne signifie rien face à la mort de plus de 34.000 Palestiniens".

Des dizaines de jeunes ont défilé, le visage caché par des masques sanitaires, marchant autour du campus en tapant des mains et en chantant "Libérez la Palestine", selon une journaliste de l'AFP qui a dénombré une cinquantaine de personnes restantes dans le petit campement dans une atmosphère détendue et sans présence policière.

Un mouvement qui s'étend au sein des universités américaines

Columbia avait assuré vendredi qu'elle ne ferait pas appel à la police de New York pour évacuer les tentes. Mais pour Joseph Howley, professeur à Columbia, l'ultimatum lancé par la présidente Shafik équivaut à "céder aux pressions politiques externes". La vague de protestation s'étend dans les universités américaines depuis dix jours. Le mouvement est parti de Columbia où cent personnes avaient été interpellées le 18 avril.

Depuis, des centaines d'autres - étudiants, enseignants et militants - ont été brièvement interpellées, parfois arrêtées et poursuivies en justice dans plusieurs universités du pays. Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus, à la demande des universités, ont fait le tour du monde, rappelant des événements similaires aux Etats-Unis lors de la guerre du Vietnam.

Les manifestations ont ravivé le débat tendu depuis l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre, sur la liberté d'expression, un droit constitutionnel et des allégations d'antisémitisme. Cet hiver, les deux présidentes d'universités de Harvard et de UPenn ont dû démissionner après avoir été accusées devant le Congrès à Washington de ne pas faire assez contre l'antisémitisme.

D'un côté, des étudiants et enseignants accusent leurs universités de chercher à censurer la libre expression politique, de l'autre plusieurs personnalités, dont des élus républicains, estiment que les militants attisent l'antisémitisme. Des étudiants juifs ont rejoint les rangs des mobilisations pro-palestiniennes.

"Nombre de nos étudiants juifs, et d'autres, ressentent ces dernières semaines une ambiance intolérable. Beaucoup ont quitté le campus et c'est une tragédie", a dit dans son communiqué la présidente de Columbia. Minouche Shafik a en outre affirmé que l'université ne se désengagerait pas de ses investissements en Israël.

Plus de 350 interpellations durant le week-end

Mais le chef des républicains à la Chambre des représentants, Mike Johnson, a dénoncé sur X un "campus dépassé par des étudiants antisémites" et appelé Mme Shafik à démissionner. Dimanche, la Maison Blanche a appelé les manifestations de soutien à Gaza à rester "pacifiques" et condamné "les propos antisémites". La porte-parole du président Joe Biden, Karine Jean-Pierre, a rappelé lundi que "la liberté d'expression devait se faire dans le cadre de la loi et du droit".

Au cours du week-end, plus de 350 personnes ont été interpellées dans plusieurs universités à travers le pays et le campement de Boston a été démantelé. A l'université du Texas à Austin, un campement a aussi été démantelé et quelques personnes interpellées. Lundi, la police a utilisé des bombes lacrymogènes au poivre face aux manifestants. "Aucun campement ne sera autorisé", a déclaré le gouverneur conservateur du Texas, Greg Abbott sur les réseaux sociaux. 

L'avocat Paul Quinzi, qui défend à Austin des personnes détenues, a dit à l'AFP estimer "à au moins 80 le nombre d'arrestations" qui "continuent". A la Virginia Commonwealth University (VCU) de Richmond (nord-est) aussi la police a poussé dehors des manifestants, selon des images des télévisions locales. Des étudiants ont accusé les forces de l'ordre d'avoir utilisé des gaz lacrymogènes pour les faire partir.

La direction a déclaré sur le réseau social X avoir donné à plusieurs reprises aux manifestants, "dont beaucoup n'étaient pas des étudiants", des possibilités de quitter les lieux. "Ceux qui ne l'ont pas fait ont été arrêtés et sont en infraction", a-t-elle ajouté.