Côte d'Ivoire : le défi de la réconciliation

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avec agences , modifié à
La Commission dialogue, vérité et réconciliation doit panser les plaies du conflit post-électoral.

"Désarmons aujourd'hui nos haines, faute de quoi nous nous acheminons à grands pas vers une guerre de 100 ans." L'ancien Premier ministre ivoirien, Charles Konan Banny, a sorti les violons pour introniser la semaine dernière la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR). Chargée de panser les plaies de la crise post-électorale du début 2011 en Côte d'Ivoire, cette instance s'est donné deux ans réconcilier les deux camps.

"Ni vengeance ni impunité, mais repentance et réparation"

"La commission n'est en aucun cas une instance dotée du pouvoir d'amnistie et d'absolution", a prévenu Charles Konan Banny, qui préside la CDVR. Au programme de la commission figurent donc "ni vengeance ni impunité, mais repentance, réparation, restauration, pardon et paix pour la reconstruction".

Le mystère n'a toutefois pas été entièrement levé sur le mode de fonctionnement de la commission, ni sur la période qu'elle examinera. Le chef de l'Etat, Alassane Ouattara, a quant à lui explicitement fait référence à 1999 et au premier coup d'Etat de l'histoire du pays.

Didier Drogba dans la commission

La CDVR est composée de onze membres, dont un religieux chrétien et un musulman, et cinq représentants des grandes régions du pays. Le footballeur vedette Didier Drogba représente lui la diaspora ivoirienne.

Dans un premier temps, la CDVR se penchera sur les travaux de ses prédécesseurs dans le monde, et notamment celle qui fut mise en place en Afrique du Sud après la fin de l'apartheid. Il lui faudra commencer par établir la frontière entre les crimes susceptibles d'être amnistiés et ceux qui doivent être punis.

Les Ivoiriens qui reconnaîtront ensuite leurs fautes devant cette commission pourraient être pour certains amnistiés. Ceux qui ont commis les crimes les plus graves devraient être traduits devant la justice.

Les pro-Gbagbo demandent une commission à l'ONU

Les proches du chef d'Etat déchu, Laurent Gbagbo, sont opposés à cette commission. Ils ont préféré demander à l'ONU la création d'une "commission internationale d'enquête" remontant jusqu'à septembre 2002 et au putsch manqué de la rébellion qui s'est rangée fin 2010 derrière Alassana Ouattara. Les pro-Gbagbo sont d'autant plus réticents devant les appels répétés à la réconciliation que des dizaines de personnalités du régime vaincu, dont l'ancien chef d'Etat et son épouse Simone, sont détenues et inculpées pour "crimes économiques" ou "atteinte à la sûreté de l'Etat".

Dans le même temps, aucune figure du camp Ouattara n'a été inquiétée alors que, de l'avis même de l'ONU, des crimes contre l'humanité et crimes de guerre ont été commis par les deux camps, spécialement dans l'ouest du pays où la situation demeure tendue. La CDVR devra donc trouver sa place à côté de la machine judiciaire ivoirienne et d'une possible enquête de la Cour pénale internationale.