La "phobie scolaire", ce mal insidieux qui paralyse des milliers d'enfants

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© PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Pierre Herbulot et Jihane Bergaoui, édité par Romain David
La peur d'aller à l'école est reconnue comme une maladie depuis 2005. Elle concerne entre 120.000 et 360.000 enfants et adolescents en France.
ON DÉCRYPTE

Ils seront 12 millions lundi à prendre ou à reprendre le chemin de l'école, pour la rentrée. Un moment qui ne fait pas souvent plaisir, mais qui peut être carrément vécu comme un cauchemar, surtout pour les enfants atteints de phobie scolaire, c'est-à-dire de la peur de se rendre à l'école. Ce phénomène, qui touche 1 à 3 % de ceux qui vont rentrer en classe lundi, ne concerne pas les maternelles, mais les élèves du CP à la terminale, donc ceux qui sont âgés de 5 à 20 ans, voire plus. Décryptage de cette maladie reconnue en France depuis 2005 et qui touche aussi bien les filles que les garçons chez Nikos Aliagas, vendredi matin.

Jusqu'à la tentative de suicide

Cette phobie scolaire, également appelée "refus scolaire anxieux" dans le jargon médical, est devenue le quotidien d'Amélie. Cette jeune fille de 16 ans va reprendre le lycée lundi, après une année de seconde chaotique.  Chaque soir, une angoisse viscérale la saisit avant de retourner en cours. Elle se manifeste par des insomnies et des crises de panique. En arrivant en seconde, dans un grand établissement, Amélie, hypersensible et agoraphobe, a eu beaucoup de mal à s'adapter. "J'étais devant le lycée, je tremblais, je ne voulais pas y aller. J'étais quand même obligé, mais quand j'arrivais en classe… je pleurais. J'étais oblige de sortir. C'était vraiment impossible pour moi", raconte-t-elle à Europe 1.

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Une souffrance qui l'a même poussée, un mois et demi seulement après la rentrée, à une tentative de suicide dans l'enceinte de son lycée. "Je n'aurais jamais pensé qu'elle flanche de cette façon", glisse, la gorge nouée, sa mère Marie, au micro d'Europe 1. "Elle perdait pied. J'ai vraiment compris que ce n'était pas juste quelque chose qui pouvait s'apparenter à un caprice, mais qu'elle était en prise avec des démons incontrôlables pour elle", raconte-t-elle encore.

Le diagnostic est tombé lors de son hospitalisation. Soutenue par sa mère et par une psychiatre, la jeune femme tente désormais de braver sa phobie scolaire et de retourner à l'école. Mais le chemin est encore long. Après avoir validé sa seconde à la maison, Amélie retourne au lycée lundi pour entrer en première L. Son retour sera progressif toutefois, puisqu'elle va bénéficier d'un emploi du temps aménagé en suivant quatre matières par correspondance.

Un refus progressif de la scolarisation

Cette phobie a tendance à s'installer progressivement. Rien ne sert de s'inquiéter si un enfant refuse une ou deux fois d'aller à l'école. Mais la répétition de ce phénomène peut s'apparenter à un premier signal. Au début, cela va arriver une fois par mois, puis tous les 15 jours, puis chaque semaine jusqu'à l'incapacité totale pour le jeune d'aller à l'école. Dans ce cas-là, la consultation d'un psychologue spécialisé peut s'imposer. "Si l'enfant a une phobie scolaire, c'est qu'il a une raison. Il peut avoir peur d'un professeur, ou un professeur, avec quelques phrases, en essayant de faire de l'humour, l'a humilié. Il est possible aussi qu'il soit sujet à un phénomène de harcèlement de la part de ses camarades ou d'un enseignant", détaille sur Europe 1 Valérie Lévy, psychologue à Paris.

De petite victoire en petite victoire

Les situations se gèrent généralement au cas par cas, et dépendent beaucoup de la personnalité de l'enfant. Certains spécialistes préconisent de faire un break avec l'école qui peut être assez long avant de reprendre. D'autres, en revanche, conseillent, de remettre l'enfant le plus vite possible sur le chemin des cours, quitte à faire une partie de l'enseignement à la maison. L'essentiel, finalement, est qu'à la fin de la journée, à la maison ou l'école, l'enfant ait le sentiment d'avoir remporté une petite victoire par rapport à la veille.