Pays-Bas : les étrangers privés de joints

Ce n'est qu'en 2013 que la "carte cannabis" sera appliquée à Amsterdam, la capitale.
Ce n'est qu'en 2013 que la "carte cannabis" sera appliquée à Amsterdam, la capitale. © Max PPP
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avec AFP
Dans trois provinces, les coffee shops seront réservés aux résidents locaux à partir du 1er mai.

Le week-end "fumette" aux Pays-Bas sera bientôt de l'histoire ancienne. Alors que les coffee shops existent depuis plus de trente ans, la "carte cannabis", censée interdire la consommation aux étrangers, entre en vigueur dans certaines provinces du pays à partir du 1er mai. Amsterdam est épargnée jusqu'en 2013.

Qu'est-ce que la "carte cannabis" ? Elle doit être appliquée au plus tard mardi dans les provinces du sud des Pays-Bas (Zélande, Brabant-Nord et Limbourg), frontalières avec la Belgique et l'Allemagne. Ce n'est qu'en 2013 que la "carte cannabis" sera appliquée dans le reste du pays et à Amsterdam, la capitale. Celle-ci est destinée à lutter contre les nuisances : embouteillages, tapage nocturne et prolifération des vendeurs de drogue dans les rues à cause de l'afflux de millions d'étrangers venant s'approvisionner. Une dernière mesure va consister à interdire, à compter du 1er janvier 2014, toute ouverture de coffee shop à moins de 350 mètres d'un établissement d'enseignement secondaire ou professionnel accueillant des élèves de moins de 18 ans.

Les 670 coffee shops néerlandais deviendront ainsi des "clubs fermés" comptant au maximum 2.000 membres, domiciliés aux Pays-Bas et âgés de plus de 18 ans. Les responsables de coffee shops en Hollande devront également tenir un registre d'adhérents consommateurs que pourra consulter la police. Un changement d'envergure pour la société néerlandaise qui, jusque-là, tolérait la possession, la consommation ainsi que la vente au détail de moins de cinq grammes de cannabis.

D'où vient l'idée de cette réforme ? La fin du tourisme cannabique a été évoquée suite à la mise en place d'une commission consultative confiée au Pr. Wim B.H.J. van de Donk. Celui-ci a préconisé des ajustements dans la politique du pays en matière de drogue. Dès 2009, ses travaux montraient la nécessité "de préserver les jeunes". Il constatait notamment que les coffee shops et la consommation de drogues douces étaient devenus trop banalisés.

Qu'en dit la justice ? Depuis que le dossier est sur la table, les recours se sont multipliés devant l'Europe et le Conseil d'Etat. Dernier fait en date : le tribunal de La Haye a rejeté vendredi  une demande en référé introduite par les propriétaires de 19 coffee shops qui refusaient l'introduction de la "carte cannabis". Mais le tribunal a estimé que les obligations internationales des Pays-Bas, dont la lutte contre le trafic de drogues et les problèmes "internationaux" causés par le tourisme de la drogue étaient plus importants que les "objections locales".

joint 930

© Reuters

Qu'en pensent les propriétaires de cafés ? Cette réforme n'est pas du goût de tous les patrons de coffee shops qui réalisent une partie de leur chiffre d'affaire grâce au tourisme cannabique. "Il s'agit d'un jugement politique", affirme un des avocats des propriétaires des coffee shops, Maurice Veldman, ajoutant que ce jugement donnait "le feu vert aux autorités pour discriminer les étrangers". "Il n'y a pas de tourisme de la drogue à Amsterdam donc pourquoi devrions-nous y discriminer les étrangers ?", s'est-il interrogé. Ces 19 patrons ont déjà prévu de faire appel de cette décision.

Quelle est la réaction des consommateurs ? Les Pays-Bas étaient jusque-là le paradis du million et demi de Français qui viennent consommer du cannabis chaque année. Cette décision irrite les "amateurs". Il y a quinze jours, 500 Néerlandais, Français, Belges et Allemands se sont réunis vendredi devant un théâtre du centre d'Amsterdam, pour protester. Ils ont tous allumé un "joint" qu'ils ont ensuite brandi vers le ciel, aux côtés de leurs pancartes.