Burkina Faso : pourquoi Blaise Compaoré a démissionné

© Reuters
  • Copié
avec AFP , modifié à
ON VOUS DIT TOUT - Quelles sont les raisons qui ont mené Blaise Compaoré à démissionner ? Quels sont les enjeux pour le "nouveau" Burkina Faso ? 

LES FAITS

Compaoré out, l'armée reprend le pouvoir. 27 ans et quatre mandats plus tard, Blaise Compaoré tire sa révérence. Le chef de l'Etat burkinabè, arrivé au pouvoir en 1987, a démissionné vendredi après trois jours de manifestations monstres à Ouagadougou et Bobo Dioulasso, les deux principales villes du pays. En route pour la Ghana selon l'agence Reuters, l'inoxydable président a fini par lâcher le pouvoir. Immédiatement repris par Honoré Traoré, le chef de l'état-major de l'armée, qui assurera l'intérim. Si Blaise Compaoré a annoncé vouloir que se tiennent "des élections libres et transparentes" dans les trois prochains mois, le haut-gradé a été beaucoup plus vague à ce sujet. Tout ce que l'on sait, c'est qu' "un organe de transition" sera mis en place pour expédier les affaires courantes avant l'élection d'un gouvernement démocratique. 

>> LIRE AUSSI - Le Burkina Faso tape du pied contre l'inoxydable président Compaoré

LA QUESTION

Pourquoi le pays s'est-il révolté contre Blaise Compaoré ? Blaise Compaoré était accusé de fomenter un "coup d'état" constitutionnel par les centaines de milliers de manifestants qui occupaient les rues de Ouagadougou. Et pour cause, le chef d'Etat déchu comptait soumettre au vote du Parlement jeudi un projet de révision de la Constitution qui lui aurait permis de se représenter à l'élection présidentielle de 2015... pour un cinquième mandat, qui l'aurait fait un peu plus monter au classement des chefs d'Etat inoxydables.

La goutte d'eau de trop pour le peuple burkinabè, lassé des pirouettes de son président pour rester au pouvoir. Compaoré avait déjà modifié par deux fois la Constitution, en 1997 puis en 2000, pour rester à la tête du pays. Au-delà de ces manœuvres, les élections elles-mêmes avaient suscité la colère du peuple. Lors de scrutin de 2011, le président avait été largement réélu avec 80% des voix ... du million et demi d'électeurs inscrits sur les 16 millions d'habitants du pays. 

>> REVIVEZ LES ÉVÉNEMENTS DE JEUDI ET DE VENDREDI

burkinaintérieur

© REUTERS

LES ENJEUX 

Canaliser la contestation populaire. Trois jours durant, les burkinabè ont offert une impressionnante démonstration de force. Des centaines de milliers de personnes dans les rues, les plus grandes manifestations de l'histoire du continent. Les bâtiments publics, parlement, maison de la radio et siège de la télévision ont été envahis. Une conséquence de la frustration accumulée pendant des années face à l'inamovible détenteur du pouvoir, qui a aussi provoqué pillages et saccages. Contacté par Europe 1, Ladji Bama, journaliste politique burkinabè, décrit la difficulté qu'a pu avoir l'opposition à canaliser le mouvement. "Dans la rue c'est un champ de ruines, toutes les grandes institutions ont été brûlées. On croise des jeunes qui transportent des tables, des matelas, c'est la désolation. Tout le monde en a gros sur le cœur, depuis longtemps la population grogne. Blaise Compaoré a fait la sourde oreille, voilà ce qui arrive."

>> LIRE AUSSI - Peut-on parler de révolution 2.0 au Burkina Faso ?

L'opposition craint un coup d'Etat. Après une nuit d'accalmie, l'armée a repris la main sur le pouvoir. L'opposition a tout de suite critiqué la prise de pouvoir de l'armée. Un des leaders de l'opposition, Bénéwendé Sankara, l'a même qualifiée de "coup d'état". Le chef d'état-major de l'armée du Burkina Faso, le général Honoré Traoré, a annoncé vendredi qu'il assumait désormais les fonctions de chef de l'Etat. Il est resté plus vague que Blaise Compaoré sur la tenue d'élections pour former un nouveau gouvernement. Mais plus tard dans la journée, un groupe d'officiers burkinabè a annoncé vendredi la mise en place prochaine "d'un nouvel organe de transition" pour un retour le plus rapide possible à l'ordre constitutionnel, demandant le soutien de la communauté internationale. Une déclaration qui contredit complètement celle de Traoré, qui affirmait justement assumer la continuité de la République. Le rôle de l'armée reste donc flou pour l'instant.