Affaire Estelle Mouzin : pourquoi l’alibi de Michel Fourniret a-t-il tenu si longtemps ?

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Eloïse Bertil , modifié à
Dans l’affaire Estelle Mouzin, la piste de Michel Fourniret est apparue dès les premiers mois de l’enquête, avant d’être rapidement écartée. Et pour cause, Michel Fourniret, déjà connu de la justice en 2003, avait d’après les rapports téléphoniques un alibi indiscutable : un appel passé depuis son domicile en Belgique, le 9 janvier, au moment même de la disparition de la petite Estelle à Guermantes, en Seine-et-Marne. Comment aurait-il pu être à deux endroits à la fois ? Dans le podcast Original "L’Ombre", une production Spotify et Europe 1 Studio, la journaliste Chloé Triomphe revient sur cette question centrale de l’alibi.
PODCAST

Au départ de la piste qui mène à Michel Fourniret dans l’enquête sur la disparition d’Estelle Mouzin en 2003, il y a un mobile. Déjà condamné pour agression sexuelle et viol, Michel Fourniret est à nouveau arrêté à l’époque, pour avoir tenté d’enlever une toute jeune fille en Belgique. Aux yeux de la police locale, il a sans conteste un sérieux profil de prédateur. Mais lorsque les enquêteurs français étudient à leur tour ce qu’on appelle la "téléphonie" de Michel Fourniret, c’est-à-dire tous les coups de fil qu’il a passés le 9 janvier 2003, celui-ci est écarté de la liste des suspects potentiels. En effet, à l’heure estimée de la disparition d’Estelle, il est censé avoir passé un coup de fil à son fils pour lui souhaiter un joyeux anniversaire depuis son domicile, situé à Sart-Custinne en Belgique… 

Pour la justice, cet appel, qui pourtant ne dure pas plus d’une minute et sans que personne n’y réponde, est un élément suffisant pour écarter irrémédiablement la piste Fourniret. Mais en 2019, cet alibi s’écroule lorsque Monique Olivier, l’ex-femme du tueur en série, passe aux aveux... Dans le podcast "L’Ombre", produit par Spotify et Europe 1 Studio, Me Herrmann, l’avocate du père d’Estelle Mouzin, raconte auprès de la journaliste Chloé Triomphe ce retournement de situation : ce jour-là, face à la dernière juge d’instruction en charge du dossier, "Monique Olivier explique que le coup de téléphone du 9 janvier 2003, c’est elle qui l’a passé. Surtout, elle l’a fait à la demande de Michel Fourniret". Toute l’enquête est alors relancée. Mais l’avocate d’Eric Mouzin explique qu’on aurait pu se rendre compte bien avant du subterfuge.

Me Herrmann, qui travaille en duo avec son confrère Me Seban, dévoile qu’elle a elle-même créé un "tableau Excel" à partir du tout premier dossier fourni par les enquêteurs belges pour lister, étudier et traquer tous les numéros de téléphone utilisés par Michel Fourniret, sans exception. "J’ai sorti à peu près 14 à 18 traces de téléphones, qui sont des boîtiers, des numéros IMEI, des marques de téléphones, des téléphones à cartes prépayées." Or "quand on exploite bien ces éléments-là, ça va au-delà de ce que je pensais, c’est-à-dire mettre en cause" Michel Fourniret et Monique Olivier. En étudiant les appels et messages du couple criminel, "on voit qu'ils échangent. On voit qu'ils structurent, qu’ils sont organisés dans leurs déplacements. Ça nous éclaire sur leur mode opératoire, sur leur façon d'agir autour d'Estelle, leur façon d'être devenus des vrais pros du crime."

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"L'Ombre" est un podcast de cinq épisodes d'environ trente minutes chacun, à retrouver gratuitement et en exclusivité sur la plateforme d'écoute Spotify .

Me Corinne Herrmann, spécialiste des "cold cases", confie avoir transmis son tableau Excel aux différents juges d’instruction en charge du dossier Estelle Mouzin, mais sans aucun résultat. "On a crié dans le vide, on avait raison depuis le départ", regrette-t-elle. Avec le recul, l’avocate d’Eric Mouzin estime aujourd’hui s’être heurtée à l’image publique de Michel Fourniret, celle d’un homme rustre, d’un âge déjà avancé et donc peu doué avec la technologie. Encore moins de fomenter un faux alibi en utilisant le téléphone pour cela. "Ça a été très difficile de combattre l’image qu’on avait de Michel Fourniret, qui était ce forestier qui allait dans les Ardennes, qui n’empruntait pas les autoroutes, ou ne savait pas utiliser un téléphone. Cette image qu’on avait de lui, elle était déjà fausse." Selon l’avocate, tous les éléments qui auraient permis d’impliquer définitivement Michel Fourniret dans l’enlèvement d’Estelle Mouzin étaient pourtant là dès les premiers mois de l’enquête. 

> Retrouvez notre dossier spécial sur l'affaire Estelle Mouzin et l'ombre de Michel Fourniret en cliquant ici.

Pour connaître la suite de ce récit et découvrir d’autres éléments inédits sur l’affaire Mouzin grâce à la contre-enquête journalistique menée par Chloé Triomphe, rendez-vous sur la plateforme Spotify pour écouter gratuitement et en exclusivité le podcast Original "L’Ombre", une production Spotify et Europe 1 Studio. 

"L’Ombre", un podcast Original produit par Spotify et Europe 1 Studio

Journaliste : Chloé Triomphe

Réalisateur : Christophe Daviaud

Production Europe 1 Studio : Fannie Rascle 

Production Spotify : Laura Cordier et Claire Hazan