Justice : nouveau cri d'alarme des procureurs dans un "livre noir"

Un nouveau cri d'alarme est lancé sur les conditions de travail des parquets de France. (Illustration)
Un nouveau cri d'alarme est lancé sur les conditions de travail des parquets de France. (Illustration) © DAMIEN MEYER / AFP
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avec Reuters , modifié à
En France, le budget de la justice n'est que de 64 euros par habitant contre 122 aux Pays-Bas et 114 en Allemagne.

La Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) lance un nouveau cri d'alarme sur les conditions de travail des parquets de France, dans "un livre noir" publié mardi. Depuis un précédent appel lancé en 2011, les procureurs estiment que leur situation ne s'est pas améliorée et s'est même "plutôt dégradée" dans un certain nombre de domaines.

Ils déplorent un sous-investissement chronique et citent notamment des chiffres du rapport 2016 de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) dans les 47 États membres du Conseil de l'Europe. Selon ce rapport, la France a deux fois moins de juges et de greffiers pour 100.000 habitants que la moyenne européenne. Le budget de la justice n'y est que de 64 euros par habitant contre 122 aux Pays-Bas et 114 en Allemagne.

Un "développement spectaculaire" des missions administratives. C'est en France que les parquets sont les plus chargés alors que c'est un des pays d'Europe qui compte le plus petit nombre de procureurs : 2,8 pour 100.000 habitants, pour une moyenne européenne de 11,3. C'est pourtant eux qui sont confrontés au plus grand nombre de procédures reçues : 7,4 pour 100.000 habitants, pour une moyenne européenne de 3,4. Selon les derniers chiffres disponibles, quelque 1.600 magistrats des parquets ont été destinataires en 2015 de plus de 4,8 millions de procès-verbaux et ont traité plus de 4,2 millions d'affaires, dont près de 1,3 million ont fait l'objet de poursuites. La CNPR fait état d'un "développement spectaculaire" des missions administratives des parquets, comme la gestion des mineurs non accompagnés ou le traitement de la radicalisation. Elle estime en outre que l'état des services et unités d'enquête en matière de délinquance économique et financière "est incompatible avec la politique active" que voudrait mener dans ce domaine le ministère public.

"Cause nationale". La CNPR s'inquiète de deux phénomènes : une baisse de la formation des officiers de police judiciaire, qui s'en remettent de plus en plus aux magistrats du parquet, et l'insatisfaction de ces OPJ face à la complexité croissante des procédures, qui "les détourne de plus en plus des services d'investigation". La CNPR propose que "la justice soit enfin considérée comme cause nationale par les plus hautes autorités de l'Etat" et demande qu'une mission soit confiée à l'inspection générale de la justice sur la crise du ministère public.

"La pénalisation à outrance [...] doit cesser". "Il convient, dans le cadre d'une carte judiciaire rénovée (...), de remettre les parquets à niveau (...) pour porter leurs effectifs à au moins 40% du corps judiciaire", estime-t-elle. Elle plaide pour une simplification du droit face à une "hyper-inflation" des lois, décrets, circulaires et directives en tous genres (le code pénal est ainsi passé de 1.118 pages en 1981 à 3.055 en 2017 et le code de procédure pénale de 849 à 2.791 dans le même temps). "La pénalisation à outrance de nombreux comportements, solution commode à l'incapacité des administrations publiques à mettre en oeuvre et faire respecter les normes, doit cesser", lit-on ainsi dans ce document.

La CNPR souhaite une réorganisation territoriale, avec une fusion des tribunaux d'instance et de grande instance au niveau du département et une réduction du nombre des cours d'appel. Elle milite enfin pour une réforme du statut du parquet afin d'assurer son indépendance.