Travail, fonctionnaires, fiscalité : Sarkozy dégaine son programme économique

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Le président du parti Les Républicains propose "une refondation du modèle social et économique" dans une interview aux Echos, le jour de la présentation du budget. 

"La situation économique, après trois années de ce quinquennat, est si grave que ce n’est pas de réformes dont il faut parler, mais d’une véritable refondation du modèle social et économique", déclare en préambule Nicolas Sarkozy, dans une interview fleuve publiée mercredi dans Les Echos, jour de la présentation du budget. Explosion des 35h, refonte du modèle social, augmentation de l'âge légal de départ en retraite, suppression de l'ISF, retour au non remplacement d'un fonctionnaire sur deux (y compris dans les collectivités locales), main mise de l'Etat sur les règles de l'assurance chômage… En guise de "refondation", l'ancien chef de l'Etat énumère toute une série de mesures "choc", qui seront soumises prochainement à la validation des adhérents du parti. Résumé.

Sarkozy ne veut (presque) plus des 35h. Alors que l'exécutif reste flou sur la réforme du temps de travail, Nicolas Sarkozy y va franco : "la durée du travail sera fixée dans l’entreprise par le dialogue entre les salariés et l’employeur". En clair, ce n'est plus la loi qui dictera combien de temps un salarié a le droit de travailler. Une mesure qui sonne le glas des 35h (qui ne s'appliqueront qu'en cas d'absence d'accord) … et donc de la majoration de salaire des heures supplémentaires. "Les 36 heures devront être payées 36, les 37 heures 37 etc. Les heures au-delà de 35 heures coûteraient moins aux entreprises. Les allégements de cotisations sociales patronales seraient accrus jusqu’à 39 heures", détaille encore l'ancien chef de l'Etat.

Une mise au ban des syndicats. Ce n'est donc plus la loi qui fixera le temps de travail, mais "le dialogue" en entreprise. Mais quelle forme devra prendre ce dialogue ? Nicolas Sarkozy propose tout simplement un dialogue direct avec les salariés. "La négociation sociale doit désormais se dérouler d’abord dans les entreprises, plutôt qu’au niveau de la branche ou du confédéral (à l’exception de certains secteurs particuliers comme l’artisanat, le commerce ou la restauration). Et quand un accord dans l’entreprise n’est pas possible entre les partenaires sociaux, ce sont les salariés de cette même entreprise qui doivent pouvoir trancher par référendum à la majorité simple". En clair, Nicolas Sarkozy veut permettre aux employeurs de contourner les syndicats.

Et cette mise au ban des représentants des salariés ne se ressent pas que pour l'entreprise. Concernant les règles de l'assurance chômage, le président du parti Les Républicains en appelle à une prise en main partielle de l'Etat. Aujourd'hui, l'Unedic, qui gère l'assurance chômage, doit négocier avec les syndicats avant de changer les règles. Mais "le temps de revenir à l’équilibre des comptes, le régime doit être temporairement géré par l’Etat, qui doit prendre d’urgence les décisions fortes qui s’imposent", assure Nicolas Sarkozy. Et de détailler celles-ci : "je pense qu’il faut revenir à la dégressivité des allocations chômage à partir de 12 mois, comme l’ont fait de nombreux pays, afin d’encourager le retour à l’emploi".

"Refonder les principes du modèle social". Globalement, le patron du parti "Les Républicains" veut "refonder les principes" du modèle social français. "Je crois à la nécessité d’une allocation sociale unique, qui intègrerait a minima le RSA (10 milliards d’euros), les aides au logement (18 milliards) et la prime d’activité (4 milliards). Cette allocation ne pourrait pas être distribuée sans contrepartie. Celui qui refuserait un emploi ou une formation se la verrait supprimée", détaille-t-il. "En cas d’inactivité prolongée, il y aurait obligation d’exercer une activité au profit de la collectivité ou dans une entreprise. L’assistanat doit céder devant la priorité absolue au travail pour tous", martèle-t-il encore.

Nicolas Sarkozy lors de son discours au "Campus national" des Jeunes Républicains au Touquet, dans le Pas-de-Calais.

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Fonction publique : les collectivités locales aussi à la diète. Pour la fonction publique, Nicolas Sarkozy propose de "rétablir la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et faire en sorte qu’il s’applique dans l’ensemble de la fonction publique, collectivités locales comprises".

En outre, tout comme Emmanuel Macron, le chef de file de l'opposition ne pense  pas que "le statut à vie soit la réponse" à apporter à la fonction publique. "Il faudra donner plus de souplesse avec des contrats de cinq ans pour certains métiers. Je souhaite par ailleurs que soit expérimentée l’autonomie aux établissements hospitaliers comme nous l’avons donnée aux universités".

Côté temps de travail dans le public, Nicolas Sarkozy estime que "revenir aux 35 heures pour tout le monde est déjà une première étape minimum. Et c’est parce que nous ferons cet effort d’augmentation du temps de travail dans la fonction publique, que nous pourrons mettre fin au gel du point d’indice" des salaires. "J’ajoute qu’au-delà des 35h, tous les exécutifs locaux et les directeurs d’administration pourront négocier une augmentation du temps de travail rémunérée à l’image de ce qui se fera dans le privé. Il est temps de faire vivre l’égalité entre le public et le privé", poursuit l'ancien chef de l'Etat.

L'ISF ? "Pas le choix de le supprimer". Nicolas Sarkozy s'épanche également sur l'un des sujets de préoccupations principaux des Français : les impôts. Et c'est sur l'Impôt sur la fortune (ISF) que le surnommé "président bling bling" se montre le plus clair : "à partir du moment où la libre circulation des personnes et des capitaux est garantie en Europe, nous n’avons pas d’autre choix, par exemple, que de supprimer l’ISF, qui n’existe chez aucun de nos partenaires, sous peine de continuer à voir partir des contribuables qui y sont soumis".

Plus globalement, Nicolas Sarkozy se prononce pour un "choc fiscal positif". "Mais la priorité, c’est l’emploi, donc la baisse des charges pesant sur le travail. Pour cela, il faut aboutir à un SMIC sans aucune charge pour l’employeur, car c’est l’une des clés pour des créations rapides d’emplois. Toujours au nom de l’emploi, il est urgent de baisser les charges sur les emplois familiaux, qui ont été considérablement alourdies par ce gouvernement", argumente-t-il.

Retraites : 63 ans en 2020. Le patron des "Républicains" évoque enfin l'âge légal de départ à la retraite, qui devra "sans doute" être relevé dès 2020 : "la réforme que nous avions menée avec Eric Woerth en 2010 a permis de ramener la branche vieillesse à l’équilibre. Il faudra continuer cet effort et penser à rapprocher les règles du public avec celles du privé en mettant tous les sujets sur la table".

Reste une question : pourquoi Nicolas Sarkozy prône-t-il aujourd'hui des mesures qu'il n'a même pas osé prononcer durant son quinquennat ? "Sans doute ai-je cherché à concilier trop d’impératifs contraires", reconnaît-il aujourd'hui. Et d'enchaîner : "surtout, je pense que les Français sont bien davantage prêts à comprendre les enjeux, angoissés qu’ils sont devant l’impasse économique dans laquelle se trouve la France".