Heurts à Jérusalem : pourquoi ce regain de tensions entre Israéliens et Palestiniens ?

Les musulmans ont prié aux abords de la Vieille Ville vendredi en signe de protestation, comme ils le font depuis une semaine.
Les musulmans ont prié aux abords de la Vieille Ville vendredi en signe de protestation, comme ils le font depuis une semaine. © GALI TIBBON / AFP
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Mathilde Belin , modifié à
Des centaines de Palestiniens protestaient vendredi contre des mesures israéliennes qui leur restreignent l'accès à l'esplanade des Mosquées, conduisant à des heurts mortels.

Regain de tensions dans la ville triplement sainte. Des heurts ont opposé vendredi soldats israéliens et Palestiniens à Jérusalem, alors que les musulmans manifestent depuis une semaine contre des restrictions d’accès à l’esplanade des Mosquées. Trois Palestiniens ont été tués et une centaine d'autres ont été blessés, selon les autorités palestiniennes et Al-Jazeera. Vendredi soir, le président palestinien Mahmoud Abbas a annoncé "un gel des contacts avec Israël". Europe1.fr fait le point sur ce qui agite cette ville cristallisant toutes les tensions politico-religieuses du pays.

  • Des manifestations meurtrières

Des Palestiniens ont manifesté vendredi aux abords de la Vieille Ville de Jérusalem pour protester contre des mesures de restrictions israéliennes. Dans la matinée, l'accès à la Vieille Ville a en effet été interdit aux hommes de moins de 50 ans, et l'entrée de l'esplanade des Mosquées est soumise depuis une semaine à des contrôles de sécurité. Des heurts ont éclaté vendredi avec les forces de sécurité israéliennes alors que des centaines de Palestiniens ont tenté de pénétrer dans la Vieille Ville, près de la porte des Lions, pour la grande prière hebdomadaire.

La police israélienne a fait usage de gaz lacrymogènes, de grenades assourdissantes, et tiré des balles en caoutchouc et des balles réelles pour disperser les manifestants, selon Al-Jazeera. Les Palestiniens ont quant à eux jeté des pierres et autres objets aux forces de sécurité. Au moins trois Palestiniens ont été tués vendredi à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, où des manifestations de soutien ont eu lieu également, a indiqué le ministère palestinien de la Santé. Selon des médias locaux cités par Al-Jazeera, une centaine de manifestants ont également été blessés. Vendredi soir, trois Israéliens sont morts après une attaque dans une colonie de Cisjordanie.

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Les heurts ont fait au moins 3 morts et une centaine de blessés côté palestinien, comme ici à Jérusalem. ©JACK GUEZ / AFP

  • L'installation polémique de portiques de sécurité

Les Palestiniens dénoncent depuis une semaine l'installation de détecteurs de métaux aux entrées de l'esplanade des Mosquées. Israël a décidé d'installer ces portiques après une attaque qui a tué deux policiers le 14 juillet, à proximité de l'esplanade, et assure que les trois assaillants arabes israéliens s'étaient servis du site pour mener leur attaque. Mais ces nouvelles mesures de sécurité ont ravivé la crainte des Palestiniens de voir Israël prendre le contrôle exclusif du troisième lieu saint de l'islam, un site également sacré dans le judaïsme (le "mont du Temple").

Alors pour protester, les fidèles ne prient plus sur l'esplanade depuis dimanche et le font en dehors du site, près des portes de la Vieille Ville, notamment à la porte des Lions. Des affrontements ont eu lieu à ce titre quasi quotidiennement depuis. En vue de la grande prière du vendredi suivie par des centaines de personnes, la police israélienne a décidé de renforcer ses mesures de sécurité pour éviter tout débordement, et a ainsi interdit à tous les hommes de moins de 50 ans l’accès à la Vieille Ville, une décision exceptionnelle qui a mis le feu aux poudres dans l'après-midi.

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L'accès à la Vieille Ville de Jérusalem a été interdit aux hommes de moins de 50 ans, une nouvelle restriction qui a mis le feu aux poudres vendredi. ©JACK GUEZ / AFP 

  • "Une atteinte au statu quo"

L'esplanade des Mosquées, qui abrite le dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa, est située dans le secteur palestinien de Jérusalem, dont l'annexion par Israël n'a jamais été reconnue par la communauté internationale. "Cela crée régulièrement des tensions, car les Palestiniens récusent cette domination d’Israël", rappelle à Europe1.fr Jean-Paul Chagnollaud, professeur de sciences politiques et spécialiste de la question palestinienne. Israël contrôle les accès à l'esplanade mais n’en a pas la gestion. Le statu quo en vigueur permet aux musulmans d’accéder à l’esplanade à toute heure, alors que les juifs sont restreints à certaines heures et ne peuvent pas y prier.

"Les Israéliens n’ont en principe aucun droit sur cette esplanade. Alors l’installation de portiques de sécurité est clairement une atteinte au statu quo", analyse encore Jean-Paul Chagnollaud. "Les violences peuvent continuer, mais on ne sait pas dans quelle proportion. Il y aura forcément un nouvel incident, car c’est la situation qui génère cette tension", ajoute le spécialiste, qui précise : "La Knesset (le parlement israélien, ndlr) veut reprendre la main sur Jérusalem-Est et sur l’esplanade des Mosquées, pour y instaurer dans l’idéal la prière pour les juifs. Si les portiques restent, cela constitue une atteinte au statu quo et là-dessus, les musulmans ne vont pas céder."

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©AFP, VINCENT LEFAI, JEAN MICHEL CORNU / AFP