94% des policiers expriment un malaise dans leur métier

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Guillaume Biet avec et AFP , modifié à
Dans une enquête officielle inédite et de grande ampleur, les policiers disent aimer leur métier, mais font aussi massivement part de leur malaise.

Les policiers ont le blues. Pour une fois, ce ne sont pas leurs syndicats qui le disent, mais les fonctionnaires eux-mêmes. Dans une grande consultation interne, lancée en 2014, par leur direction générale, 45.000 policiers ont répondu à un questionnaire. Une première dans la police. "On peut ressentir un malaise et être malgré tout heureux dans son travail." Tel est le constat, apparemment contradictoire, fait par une responsable du ministère de l'Intérieur qui a dressé ce "portrait robot" du policier.

142.000 agents sollicités. Sur la méthode, un questionnaire a été adressé par la Direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) auprès des 142.000 agents afin de connaître l'état des troupes. Quelque 45.000 ont répondu à 66 questions sur les conditions de travail et le moral dans les commissariats. Un échantillon "représentatif" de 3.500 fonctionnaires, du gardien de la paix au commissaire, a été défini. Il donne lieu au premier "baromètre social" de cette profession souvent décriée où le malaise est une antienne des syndicats de police et de plusieurs sociologues.

Mauvaise conditions de travail, manque de moyens, mauvaise organisation. Adjoint de sécurité, gardien de la paix, officier ou commissaire, les policiers sont unanimes : 94% d'entre eux expriment un malaise. Pêle-mêle, ils déclarent ressentire de la fatigue, du stress ou de l'héritabilité. En cause : leurs mauvaises conditions de travail, le manque de moyens matériels, une mauvaise organisation dans les services ou encore les faibles opportunités d'obtenir une promotion.

Plus largement, deux tiers des policiers qui ont répondu au questionnaire estiment que leur relation avec la population s'est dégradée. Et ils sont presque autant, 62%, à reconnaître que leur motivation professionnelle est en baisse.

"Pas de problématique spécifique aux femmes". Un constat qui ne surprend pas la direction générale de la police. "L'administration en est consciente. Ca permet de l'isoler. Les policiers font un métier difficile et très exposé, encore plus en ce moment. Donc il est nécessaire de faire ce constat pour y remédier. On est étonné de voir que les plus jeunes et les plus anciens sont les plus optimistes sur leur métier. On s'aperçoit également qu'il n'y a pas de problématique spécifique aux femmes. Les femmes vivent leur métier de policier de la même manière que les hommes", Jérôme Bonnet, le porte-parole de la direction générale de la police, interrogé par Europe 1. On apprend toutefois que le mal-être est plus vivace en sécurité publique ou chez les CRS que dans la police judiciaire.

Vers une réaction des syndicats. Par ailleurs, ce premier baromètre social dans la police n'est pas totalement négatif. Deux tiers des fonctionnaires qui ont répondu se disent satisfaits de leur métier. Et les trois quart se sentent utiles à la société.

Le questionnaire ne va pas manquer de soulever une avalanche de réactions des puissants syndicats de police auxquels il a été présenté officiellement lundi. S'il confirme le malaise dénoncé par leurs responsables, ceux-ci apprendront néanmoins que 78% des policiers font "rarement ou jamais" appel à eux. Pourtant, le taux de syndicalisation est de 70% dans la police, un record.

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