pole emploi 4:52
  • Copié
Céline Brégand , modifié à
Avec la crise économique liée au coronavirus, la peur de découvrir une génération Covid sur le front de l'emploi grimpe. Déjà affectés par la crise sociale, les nouveaux arrivants sur le marché de l'emploi pourraient connaître le même sort que la génération 2008-2010, prévient sur Europe 1 Antoine Dulin, membre du Conseil économique, social et environnemental.
INTERVIEW

En raison de la crise du coronavirus, 450.000 emplois salariés pourraient être détruits. Dans le même temps, il y aura 700.000 nouveaux entrants sur le marché du travail. L'Association pour l'emploi des cadres (l'APEC) parle d'une baisse de 65% des offres d'emplois pour les jeunes avec moins d'un an d'expérience. Si les perspectives sont si sombres, c'est parce que "les jeunes sont la variable d'ajustement du marché du travail", explique mercredi sur Europe 1 Antoine Dulin, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et président de la commission "insertion des jeunes".

Les phénomènes de déclassement

"On l'a vu en 1993, et en 2008 : ils sont les premiers impactés par le ralentissement de l'économie et par des retards dans les embauches", constate-t-il. Car lorsque que les entreprises doivent faire des choix, elles vont "préférer garder les salariés déjà présents dans l'entreprise plutôt que de recruter de nouvelles personnes". Les jeunes vont donc se retrouver très nombreux à postuler à différents postes. 

Résultat, on constatera "un phénomène de déclassement", c'est-à-dire des jeunes de niveau bac+5 qui vont postuler à des postes de niveau bac+3 parce que c'est bouché au niveau des recrutements des bac+5. 

Un retard dans l'entrée sur le marché du travail

Pour mieux comprendre quelle pourrait être la situation des jeunes de la génération Covid si rien n'est mis en place pour les aider, regardons celle des jeunes de la génération 2008-2010. En 2008, le taux de chômage des jeunes avait augmenté de trois points. "On avait atteint des taux de chômage de 26% pour les jeunes de moins de 25 ans, dont 50% dans les quartiers dits politiques de la Ville ou en Outre-mer", rappelle Antoine Dulin. 

Et cette génération 2008-2010, par rapport aux générations précédentes, avait connu des rémunérations en baisse dans l'entrée du marché du travail. Un retard qu'on "ne rattrape jamais" selon le président de la commission "insertion des jeunes", et "d'autant plus pour les personnes qui sont sans qualification et sans emploi". "Il y a des jeunes qui, sept ou huit ans après, sont toujours dans cette galère, dans cette économie de la débrouille, où ils vont enchaîner des CDD, des intérims, sans être toujours dans un emploi stable", souligne-t-il. 

Les solutions envisageables 

Or le CDI facilite l'accès aux logements et offre plus de sécurité pour l'établissement d'une vie de famille. La génération Covid va-t-elle être une génération sacrifiée ? S'il admet que son analyse est sombre, Antoine Dulin évoque quelques solutions, notamment grâce à la puissance publique et à l'État "qui ne doit pas laisser cette génération qui peut être sacrifiée, cette génération covid, aux portes du monde du travail". 

Il existe des mécanismes comme "les exonérations de charges sur les CDI", "les emplois aidés"... "On pourrait imaginer développer des chantiers d'insertion", des "parcours de formation vers les métiers de la transition écologique, d'aide à la personne", propose-t-il. "On va avoir une chute attendue de 30% des contrats en apprentissage", expose Antoine Dulin. D'où le besoin d'un coup de pouce aux entreprises "mais aussi aux structures d'accompagnement, aux missions locales qui vont permettre d'accueillir les jeunes dans cette période très difficile".