L'épidémie de coronavirus a fait plus de 28.000 morts en France (photo d'illustration) 1:59
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Ariel Guez
Invitée de "C'est arrivé cette semaine" sur Europe 1, l'épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherche à l'Inserm, revient sur l'évolution du Covid-19 et explique qu'il est encore trop tôt pour parler d'un vaccin, réfutant les observations qui ont construit la thèse d'une "immunité croisée".
INTERVIEW

Après presque trois mois de crise sanitaire en France, de nombreuses questions demeurent sur le coronavirus, qui a causé la mort de 28.215 personnes au moins en Métropole et en Outre-mer. Au micro d'Europe 1, Dominique Costagliola, épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm est revenue sur les avancées scientifiques face au Covid-19. Car depuis le début de la pandémie, la course au vaccin est lancée et nombreux espèrent en trouver un efficace d'ici les prochains mois

Un vaccin sera-t-il bientôt disponible ?

Le 18 mai, Moderna, une entreprise de biotechnologie, a publié de premiers résultats encourageants d’essais sur un vaccin, laissant espérer la diffusion rapide d'une protection efficace contre le coronavirus. "C’est ce qui était attendu", a réagi au micro d'Europe 1 Dominique Costagliola. "C'est sans doute une annonce prématurée", estime toutefois l'épidémiologiste et directrice de recherche à l'Inserm.

"On sait très bien quand on recherche un vaccin que ce n’est pas parce qu’on fait des essais de phase 1 que ça donnera forcément lieu à un vaccin à la fin", explique-t-elle au micro d'Europe 1. Dominique Costagliola prend l’exemple du virus du sida, sur lequel des essais de phase 1 étaient encourageants, mais qui n’ont finalement pas donné de vaccin. "D'une façon générale, quelle que soit la maladie, entre les essais de phase 1 et la découverte d’un vaccin, il y a énormément de haies à franchir". 

Continue-t-on à bénéficier des effets du confinement ? 

Oui, répond Dominique Costagliola. "On commence à être au moment où on va pouvoir observer ce qui est lié au post-confinement", explique-t-elle. Si des gens tombent malades, il faut deux à trois semaines avant de les voir arriver dans les hôpitaux, poursuit l'épidémiologiste. "Donc on commence tout juste à voir les premiers effets du déconfinement, notamment en regardant les données de consultation de SOS médecins, des médecins généralistes et en partie des urgences".

Une partie de la population disposerait-elle d'une immunité naturelle face au coronavirus ?

Alors que des scientifiques avancent que certaines personnes disposeraient d'une "immunité croisée" face au Covid-19 en ayant précédemment été infectée par d'autres coronavirus, Dominique Costagliola n'est pas convaincue par cette théorie. "Les gens se basent sur des observations de contaminations, comme les bateaux", affirme-t-elle. Si on prend l'exemple du Charles-de-Gaulle, "on voit que 60 % de la population a été infectée, tandis que dans un bateau de croisière à Yokohama, c'était seulement 20 %". 

L'épidémiologiste met en garde contre des conclusions hâtives : "Je pense que même si ce sont des quasi-expérimentations, à la fin, on prend des mesures qui font qu'on n'observe pas l'évolution naturelle du virus".

Quels sont les lieux où la transmission du virus est plus importante ?

"La croissance exponentielle de l'épidémie est liée à des événements de super diffusion", rappelle Dominique Costagliola. "On est dans une situation où la probabilité de ce type d'événements est extrêmement faible, puisqu'on interdit les rassemblements", rassure la directrice de recherche à l'Inserm. "Le seul lieu possible qui a repris sont les transports en commun (...) mais il y a des mesures barrières et de distanciation qui doivent limiter la probabilité que des éléments de super diffusion se produisent et relancent l’épidémie". 

Interrogée sur la non-réouverture d'espaces en plein air comme les parcs et les jardins dans les zones rouges, Dominique Costagliola affirme qu'elle "ne comprend pas bien la logique qui sous-tend ces mesures". "À condition qu’il n’y ait pas une trop grande densité de population, le risque n'est certainement pas plus dangereux que d’être dans la rue", conclut-elle.