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Ariel Guez et Séverine Mermilliod , modifié à
Au micro d'Europe 1, Laurent Grandin​, président d'Interfel, l'interprofession des métiers de la filière fruits et légumes frais, revient sur l'augmentation des prix des fruits et légumes, constatée par de nombreux français pendant le confinement. Il explique que cette hausse est due à plusieurs facteurs, mais qu'elle n'est pas si exceptionnelle que cela.
DÉCRYPTAGE

Les effets du confinement commencent à se faire sentir... aussi dans les supermarchés. De nombreux Français ont en effet pu constater une hausse des prix des fruits et légumes depuis la mi-mars, avec des produits coûtant parfois deux fois plus chers, comme Virginie, qui s'occupe seule de son fils. "Les laitues passent du simple au double", a-t-elle constaté. Mais pourquoi au juste ces prix augmentent-ils ? Est-ce le cas dans tout le secteur alimentaire ?

Eléments de réponse avec Laurent Grandin, président d'Interfel, l'interprofession des métiers de la filière fruits et légumes frais et Yves Puget, directeur de la rédaction de la revue LSA, le magazine de la grande consommation en France.

Oui, le prix de certains aliments a augmenté... mais pas tous !

"Traditionnellement, on a deux sortes de produits", commence Laurent Grandin : les produits dits stockables (légumes racines, carottes, navets, pommes...) et les produits non-stockables. Les premiers "n'ont pas bougé du tout au niveau du tarif", explique le président d'Interfel. Mais pour le second groupe, c'est une autre histoire. "À cette période de l'année, la France n'est pas auto-suffisante pour tous les produits 'ratatouille' ou les produits comme la fraise".

"Les distributeurs ont fait le choix de privilégier les producteurs français", abonde Yves Puget. "Les produits français ont toujours été un petit peu plus chers, car de meilleure qualité que les produits d’importation. Donc c’est un choix délibéré pour aider la filière agricole. Je n’ai pas les chiffres pour ces fruits et légumes mais les prix ont très certainement augmenté", estime-t-il.

Une hausse de prix qui n'est pas constatée sur tous les produits. "Si l’on regarde en moyenne les prix en grande distribution, les prix en mars 2020 par rapport à février ont baissé de 0,02%", souligne encore Yves Puget. "Donc on va dire qu’en gros les prix sont stables. Mais dans cette stabilité qui n’est qu’une moyenne, effectivement il y a des prix qui montent et d’autres qui baissent".

Hausse des dépenses, fin des promotions

L'institut IRI calcule que le prix moyen du panier de courses est en hausse de 89%. Mais ce ne sont pas les prix des aliments, mais des dépenses qui montent. Plusieurs raisons à cela. "Nous achetons de plus en plus en proximité parce qu’il faut respecter le fameux kilomètre", rappelle Yves Puget, "donc on va moins en hypermarché où les prix sont habituellement moins chers. Plus vous achetez près de chez vous, plus malheureusement c’est un peu plus cher". 

"Deuxième chose", détaille le rédacteur en chef, "les distributeurs ont arrêté les promotions au tout début de la pandémie car il y a avait trop de monde dans les magasins".

Ensuite, on constate un phénomène de stock : "certains ont rempli leur cave de pâtes, donc forcément quand on fait des stocks ça a un prix. Certains Français sont ressortis des magasins avec la consommation d’un an de pâtes par personne : cela se voit sur le ticket de caisse". En témoigne sur le #RadiOuverte une auditrice d'Europe 1, Evelyne : "C’est vrai que j’ai tendance à acheter un peu plus à chaque fois que je fais mes courses maintenant, comme je ne sais pas quand j’y retournerai”. 

"La fréquentation baisse, mais le ticket moyen augmente parce qu’on y va moins souvent", conclut Yves Puget.

Des produits plus chers, "mais comme tous les ans"

Pour autant, cette hausse des prix constatée n'est pas si exceptionnelle que cela, à en croire Laurent Grandin. "À cette époque, il y a un mouvement de prix lié à un impact classique de la météo-sensiblité de nos produits", explique-t-il, prenant l'exemple des tomates, dont le prix est comparable à celui des autres années à la même période. "Il y a des produits plus chers, mais comme tous les ans. On est dans des périodes de transfert de saison et il y a toujours des variations importantes des prix des produits", résume Laurent Grandin. 

La hausse des prix n'ira pas dans la poche des grandes enseignes, assure Laurent Grandin. "La répartition est assez bien faite au niveau de la filière", explique le patron d'Interfel, qui représente quinze organisations professionnelles et 90% de la mise en marché des produits concernés. 

"On se repose plus sur la production nationale"

À cette absence d'indépendance s'ajoute la fin des échanges avec les pays du sud et notamment la venue de travailleurs dans les champs. Au point que Didier Guillaume, le ministre de l'Agriculture, demandait le 24 mars aux personnes sans activité de rejoindre "la grande armée de l'agriculture". "Il est clair qu'on se repose plus sur la production nationale", poursuit Laurent Grandin "Et cette production nationale, structurellement, du fait des coûts de production", pousse à l'augmentation mécanique des prix.

Autre cause de cette hausse : le coût du transport, secteur qui souffre aussi du confinement. "Ils sont impactés comme tout le monde par une série de facteurs, qui font qu'aujourd'hui, il y a une pression plus grande (...). Donc les coûts globaux sont forcément amortis sur le trafic", explique-t-il encore au micro d'Europe 1.

Répercussion de l'arrêt de la restauration

Enfin, les quantités achetées ont aussi augmenté avec la fermeture des restaurants et de la possibilité de manger à la cantine. "Il y a plus de monde à nourrir dans chaque famille, tout simplement car on ne déjeune plus à l’extérieur. Donc forcément le panier moyen est plus élevé", constate le rédacteur en chef. "Dans la restauration, 100 millions de repas par semaine environ ont disparu. Comme il faut bien que les Français déjeunent et dînent, forcément cela se retrouve dans les magasins".

"Personnellement je dépense moins en nourriture", analyse de son côté Jean-Jacques, un heureux auditeur. "Avant le confinement j’allais au restaurant, je me faisais souvent livrer...donc finalement je fais des économies !" 

"On veille à ce qu'il y ait une juste répartition de la valeur ajoutée"

"On a un dialogue permanent en ce moment et on veille à ce qu'il y ait une répartition juste de la valeur ajoutée", explique-t-il, rappelant l'importance des fruits et légumes. "C'est un enjeu d'équilibre alimentaire et santé publique et on veille à accessibilité suffisante de nos produits, tout particulièrement dans cette période de confinement ou cet équilibre alimentaire est déterminant pour se maintenir en bonne santé".