"Aujourd'hui, nous sommes encore en pleine bataille et on ne va pas commencer à faire de la controverse", estime Emmanuel Hirsch (photo d'illustration). 4:20
  • Copié
Coline Vazquez
Invité de "C'est arrivé demain", le professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Saclay, Emmanuel Hirsch, a dénoncé les propos du philosophe André Comte Sponville qui a déclaré plus tôt sur Europe 1 ne pas vouloir abandonner sa liberté au profit de la santé dans le cadre d'un confinement prolongé pour lutter contre l'épidémie de coronavirus. 
INTERVIEW

"Je ne veux pas abandonner cette liberté pour laquelle des millions de gens sont morts dans le monde au nom d'un virus qui a tué 20.000 personnes en France", dénonçait au micro d'Europe 1 le philosophe André Comte Sponville, dimanche. L'auteur du Petit traité des grandes vertus (Seuil) alerte sur la nécessité, selon lui, de veiller au respect de libertés, menacées par le confinement. Des propos qui ont fait réagir le directeur de l'espace éthique d'Île-de-France et professeur d’éthique médicale à l’université Paris-Saclay, Emmanuel Hirsch, également sur notre antenne. 

"Quand on peut dire : la liberté, est plus importante que la santé, c'est bien de le dire quand on est en bonne santé", ironise-t-il en guise de réponse dans C'est arrivé demain. Emmanuel Hirsh pointe du doigt "le mépris" des propos d'André Comte Sponville à propos des Ehpad. "Quand on connaît ce que sont les Ehpad, quel endroit plus triste que ça (...) En ce qui me concerne et je ne parle qu'en mon nom propre, je préfère attraper le Covid-19 et même mourir du Covid-19, que passer 10 ou 15 ans dans un Ehpad", avait-il déclaré, interrogé par Bernard Poirette. 

"C'est trop facile de faire des exégèses, en philosophe"

"Il y a 7.900 Ehpad en France, est-ce qu'on peut les réduire à de la caricature quand on voit comment les gens des Ehpad se sont investis, avec qualité ?", s'indigne le professeur d'éthique médicale. "Quand il dit que la liberté est plus importante que la santé, en éthique, on parle d'autonomie de la personne. Est-ce que vous pensez qu'on est autonome quand on est menacés par une pandémie ?", poursuit-il, avant de déclarer, amusé, espérer qu'"Edouard Philippe ne prenne pas en compte les propos d'André Comte Sponville dans ses décisions, en tout cas pour ce qu'il va annoncer tout à l'heure". Le Premier ministre doit en effet s'exprimer lors d'une conférence de presse à 17h30 ce dimanche.

"J'aime bien la philosophie, mais au niveau de la responsabilité politique, si ça avait été André Comte Sponville qui avait dû prendre les décisions, je ne suis pas certain qu'on soit très rassuré aujourd'hui", ajoute encore Emmanuel Hirsch. Pour lui, l'heure n'est pas à l'examen de l'action du gouvernement. "C'est trop facile de faire des exégèses comme ça, en philosophe. Aujourd'hui, nous sommes encore en pleine bataille et on ne va pas commencer à faire de la controverse", rétorque-t-il, à l'adresse d'André Comte Sponville. "Notre force, la force de l'Etat, ça a été de prendre en compte les personnes les plus vulnérables, les plus exposés par rapport à la pandémie. C'est ça la démocratie", estime-t-il. 

"Les politique ont pris leurs responsabilités"

Emmanuel Hirsch tient pour sa part à saluer "les bonnes décisions" prises par les responsables politiques depuis le début de l'épidémie et qui ont mené, selon lui, à "une amélioration de la situation générale". "Ils ont maximisé la prise en compte de tous les risques qui étaient très incertains". "Maximiser la gravité de la possibilité d'impact du Covid comme on l'a fait, c'était une décision responsable", analyse-t-il, revenant sur les critiques qui avaient été faites à Roselyne Bachelot, ministre de la Santé au moment de l'épidémie H1N1.

"Les gens qui avaient eu une vigilance une prudence, on été mis en cause par l'excès, et je pense que c'est très facile de juger à posteriori mais là, on n'est pas encore dans l'a posteriori, on est en pleine crise. Il y a une mobilisation de l'Etat, des professionnels. Malheureusement, tout n'a pas été parfait dans la mesure où on ne pouvait pas tout accompagner", juge-t-il. "En tout cas, les politiques ont pris leurs responsabilités, moi je leur rends hommage."