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Coline Vazquez , modifié à
Invité de la matinale d'Europe 1, le philosophe André Comte Sponville alerte sur le risque d'une privation de privation de liberté que fait selon lui planer le confinement. "Il n'est pas question que l'on nous enferme indéfiniment pour une maladie", dénonce-t-il, déplorant "un climat dépressif et geignard". 
INTERVIEW

"Depuis un mois dans tous nos journaux télévisés et radiophoniques, on commence par le coronavirus, on termine par le coronavirus et entre les deux on a parlé que du Covid-19", s'énerve André Comte Sponville, philosophe et auteur du Petit traité des grandes vertus (Seuil). Invité de la matinale d'Europe 1, il regrette l'omniprésence de l'épidémie dans les médias mais, surtout, l'intellectuel s'inquiète de la durée du confinement et de la privation de liberté qu'il entraîne avec lui.  

"Quand on fait de la santé une valeur suprême, c'est ce que j'appelle le pan-médicalisme. Et, si la santé devient une valeur suprême, évidemment la médecine devient la chose la plus importante et nous allons déléguer à nos médecins, non seulement, la gestion de nos maladies ce qui est parfaitement normal, mais aussi la gestion de nos vies et de nos sociétés ce qui pour le coup est beaucoup plus inquiétant", pointe-t-il. 

"Prendre davantage en compte la souffrance des gens confinés"

André Comte Sponville ne s'oppose pas à l'idée du confinement, ce dernier "est acceptable en situation exceptionnelle et pour une vraie durée". "Au fond ce qui le justifie c'est qu'il fallait que nos services d'urgence et de réanimation ne soient pas submergés par des milliers de cas graves qu'on aurait laissé mourir sans soins, faute de pouvoir s'occuper de tous. Je ne dis donc pas que le confinement n'était pas justifié. Je dis, simplement qu'on pourrait des fois réfléchir à ses modalités d'application", explique-t-il, relativisant les critiques et interdictions envers les joggeurs.

Selon lui, "on pourrait tenir compte davantage de la souffrance des gens confinés, les gens tous seuls y compris les vieillards et ceux dans un deux-pièces avec trois ou quatre enfants, les maris violents, les pères violents. Il y a une souffrance qui est considérable", ajoute-t-il. 

Pour le philosophe, il faut donc rester prudent et veiller à ce que ce confinement ne s'éternise pas : "Quand j'entends à la télévision des médecins nous dire qu'on continuera tant que ça sera médicalement nécessaire je dis : attention. Il n'est pas question que l'on nous enferme indéfiniment pour une maladie". D'autant que la létalité du coronavirus n'est que de 1 ou 2%, argumente-t-il, mettant en parallèle le nombre de morts de l'épidémie et celui des cancers ou d'Alzheimer.

"Il faut aussi défendre notre liberté", martèle-t-il, se disant excédé "par ce climat dépressif, et geignard où on nous appelle à porter le deuil des 14.000 morts du Covid-19". Dénonçant "le sanitairement correct", "on ne nous dit plus ce qu'on croit vrai, mais ce qui fait plaisir à entendre", déplore André Comte Sponville qui veut, lui, "essayer de dire ce que je crois vrai et important". 

"On est en train de s'endetter massivement pour s'occuper de notre santé de vieux"

"Le confinement a des retombées économiques lourdes dont seront victimes en priorité les plus jeunes. Ils n'osent pas dire ça parce qu'ils ont peur qu'on les accusent d'oublier leurs aînés, mais moi qui ait 68 ans, je ne supporte plus que, pour sauver notre vie éventuellement, mais nous mourrons quand même par ailleurs, on sacrifie l'avenir de nos enfants", s'indigne-t-il.

Et de poursuivre : "On est en train de créer des millions de chômeurs. (...) Je ne peux pas considérer sereinement le fait qu'on est en train d'endetter massivement nos enfants, de refaire du chômage alors qu'ils commençaient à reculer pour s'occuper de notre santé, de vieux", conclut celui qui assure ne pas avoir peur de la mort : "Il faudra bien mourir un jour de toute façon".