Eugène Saccomano, toi qui sans façon m'as tant appris du journalisme

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Quelques jours après la disparition d'Eugène Saccomano, François Clauss rend hommage à un ami qui a été l'une des voix légendaires du sport à la radio.

"Elle est pour toi, Eugène, cette chronique, toi qui sans façon m'as tant appris du journalisme

Avec quelques années de moins Eugène, nous aurions peut-être été côte-à-côte dans l’avion vendredi matin pour Reykjavík pour aller commenter l’équipe de France. Tu aurais pesté, toi le Marseillais, de devoir cette affronter cette froidure qui envahit le monde au nord d’Aix-en-Provence. Mais sur le but de Giroud, tu aurais été le premier à te lever en tribune, tu aurais retrouvé ton regard, tu aurais retrouver instantanément ta 'pétillance'. Et même après le match, devant une assiette de poissons fumés et un verre d’aquavit, tu aurais avec cette curiosité de journaliste chevillée au corps su apprécier avec gourmandise ces étranges coutumes d’ailleurs.

Oui, elle est à toi Eugène, cette chronique…

Toi, le journaliste, qui offris à notre radio un scoop mondial lorsque le 5 septembre 1972, derrière le grillage de l’aéroport de Fürsten Feld Bruck, suivant ton instinct et tes infos, tu seras le seul à décrire le massacre des athlètes israéliens par un commando de terroristes palestiniens quand tes confrères de la planète entière planquaient en vain autour de l’autre aéroport de Munich.

Même le directeur de la rédaction de l’époque, Jean Gorini, n’en croyait pas ces oreilles dans son Autobianchi Abarth tellement c’était énorme. Il voulut t’interrompre...Tu poursuivis. Le lendemain, devant toute la rédaction, il te rendra hommage avec cette phrase : "Sacco avait raison, les reporters sur le terrain ont TOUJOURS raison". Cette leçon saccomanienne, bien des directeurs d’info devrait aujourd’hui s’en inspirer… 47 ans après.

Oui, elle est à toi, Sacco, cette chronique, toi qui m’appris sans façon qu’on pouvait aimer d’un même amour les livres et le foot, le cinéma et le ballon.

Dans l’avion retour d’Islande, nous aurions évidemment évoquer le 4-3-2-1 de Deschamps mais si rapidement… Nul doute que nous aurions bien vite dérivé vers Pierre Loti, cet amour de la littérature et des mots que nous partagions, toi avec qui il était si bon dans le sillage de Céline de refaire aussi un autre match, un autre voyage, celui au bout de la nuit.

Et toi, toujours à l’écoute, tu aurais aimé m’entendre parler des derniers livres qui m’ont transporté, ceux d'Olivier Adam ou de Sorj Chalandon, le journaliste devenu écrivain comme toi.

En atterrissant à Paris nous serions peut-être allés partager un verre de Brunello de Montalcini devant un plat de spaghettis alla vongole, histoire de faire passer le poisson fumé et l’aquavit.

Oui, elle est à toi Eugène, cette chronique toi qui sans façon m’apprit à faire du journalisme un art de vivre, à faire de ta vie une épopée, que ce soit aux côtés de Claude François dans sa Chevrolet mauve quand tu fus son imprésario marseillais, ou aux côtés de Philippe Séguin dans sa 2 CV grise de stagiaire quand tu fus son ami dans les ruelles de Malmousque.

Oui, elle est à toi, Sacco, cette chronique, toi qui avait tant de talent quand il fallait nous aider à grimper sur le toit du monde…

Pierre Ménès, Gilles Verdez et Pascal Praud ont tous débuté dans l’audiovisuel à tes côtés, toi qui inventas au début des années 90 sur Europe 1 Le match du lundi, le premier talk-show de foot. Tu n’aurais peut-être guère apprécié la dérive populiste et et les jeux du cirque, avec ses punchlines, que sont devenues ces émissions. Mais sûr que tu t’en serais aussi amusé… et avec eux, tant tu étais fidèle en amitié.

Eux n’ont pas oublié d’où ils viennent, à l’image de Pascal Praud, qui t’offre un très bel hommage dans le magazine Le Point, saluant cette passion qui t’animait en permanence, celle qui faisait qu’avec toi il fallait nécessairement préférer Platini à Beckenbauer, Mitterrand à Giscard et Céline à Mauriac.

Comme eux je n’ai qu’un mot : merci ! Les France-Islande n'auront plus jamais le même goût !"