Depuis quelques jours, le Medef et l'aile droite de la majorité commencent à installer dans le débat public l'idée qu'il faudrait travailler plus longtemps à la sortie du confinement afin de compenser les efforts réalisés pendant la crise sanitaire liée au coronavirus. Geoffroy Roux de Bézieux, patron du Medef, avait affirmé qu'il "faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire". Des propos qui avaient scandalisé Laurent Berger, leader de la CFDT
"Des déclarations unilatérales"
Invité d'Europe 1, Michel Wieviorka, sociologue et directeur de la Fondation Maison des sciences de l'Homme, a soutenu lundi le patron de la centrale réformiste. Pour lui, les déclarations de Geoffroy Roux de Bézieux ont un aspect "unilatéral". Tout comme celles de la secrétaire d'État à l'Économie, Agnès Pannier-Runacher, qui a déclaré qu'il faudrait "probablement travailler plus que nous ne l'avons fait avant" pour "rattraper" la perte d'activité.
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"C’est une faute de tenir à l’écart les corps intermédiaires"
"Il n’y a pas de contradiction sur l’enjeu, tout le monde veut la croissance et le plein-emploi. La question est de savoir comment ça se prépare", a expliqué Michel Wievorka. Selon lui, Laurent Berger a "raison de s'indigner". "Ce genre de déclarations, ça se prépare et ça se discute. La discussion ne doit pas être unilatérale. C’est une faute de tenir à l’écart les corps intermédiaires", affirme le sociologue.
Mais surtout, au-delà du fait de travailler plus longtemps, c'est l'absence de détails qui pose problème dans le discours du Medef et d'Agnès Pannier-Runacher, poursuit Michel Wievorka. "Avant de dire à tout le monde qu’il y aura de la sueur et des larmes, il faut indiquer les conditions", dit-il. "Ces déclarations ne nous disent rien à propos des professions qui sont déjà dans le sacrifice au travail". "Que va-t-il être fait pour les caissières de supermarchés et tous ces gens-là ?", s'interroge Michel Wievorka.
"On n'est pas du tout dans des temps churchilliens"
Le sociologue renvoie aussi la balle au patronat. "On aimerait savoir quels seront les efforts du côté des actionnaires", indique-t-il au micro d'Europe 1. "Les larmes et la sueur, oui, mais pour tout le monde !", lance Michel Wievorka, qui n'hésite pas à critiquer les éléments de langage utilisés en préparation de l'allocution d'Emmanuel Macron lundi soir. "On n'est pas du tout dans des temps churchilliens. La société ne fait pas corps derrière l'État et le gouvernement", explique-t-il. "Si on veut qu’il y ait de la confiance, il faut qu’il y ait du débat, de l'échange et la définition d'une vision commune", conclut le sociologue.