Dans "Simone Veil ou la force d’une femme", Annick Cojean brosse le portrait de l'ancienne ministre au fil des rencontres qu'elle a pu avoir avec elle. 7:01
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Romain David
Invitée mardi de Philippe Vandel dans "Culture médias" sur Europe 1, la journaliste Annick Cojean, grand reporter au "Monde", cosigne une bande-dessinée consacrée à Simone Veil. Elle explique comment elle a réussi, grâce à ce format, à conjuguer récit intimiste et rigueur journalistique. 
INTERVIEW

Du journalisme... Mais sous forme de BD ! La journaliste Annick Cojean, grand reporter au journal Le Monde, publie chez Plon Steinkis une bande-dessiné consacrée à Simone Veil, trois ans après sa mort, et qu’elle co-signe avec le scénariste Xavier Bétaucourt et le dessinateur Etienne Oburie. Simone Veil ou la force d’une femme balaye le parcourt de celle qui a obtenu la légalisation de l’avortement, mais sous un angle assez inattendu : Annick Cojean se met elle-même en scène, alors qu’elle est chargée par son rédacteur en chef d’écrire la nécrologie de Simone Veil, tout juste disparue.

"Je me suis prise au jeu"

"La BD permet de toucher un autre public, des jeunes notamment. Je voudrais qu’on fasse de Simone Veil une héroïne, je pense qu’elle l’est, intrinsèquement, mais je voudrais que ce soit évident pour tout le monde, notamment les petites filles", explique Annick Cojean, au micro de Philippe Vandel, mardi dans Culture médias sur Europe 1. Pour autant, il n’était pas question que le format l’oblige à simplifier son récit. "C’est la complexité qui est intéressante. Dans mes reportages je traque la complexité, rien n’est schématique, noir ou blanc, c’est entre les deux. Est-ce que la BD pouvait me permettre ça ? oui !", assure la journaliste.

La BD commence donc le 30 juin 2017. Il y a pile trois ans. Lorsque Simone Veil décède. Le Monde commande un papier à Annick Cojean, qui a eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises l’ancienne ministre de la Santé. "Quelque chose de perso. Simone et toi", lui précise-t-on. "C’est une sorte de making-of d’un article. On m’apprend la mort de Simone Veil et j’ai 15 heures pour écrire un article", raconte Annick Cojean. "Au départ, je ne pensais pas apparaître dans la BD, il a fallu qu’on me pousse pour que je devienne un petit personnage, qui était moyennement agréable, et puis je me suis prise au jeu."

"Ses yeux nous imposaient de ne pas mentir"

Car au fil de sa carrière, la journaliste a eu l’occasion de tisser un lien personnel avec Simone Veil, qu’elle croise pour la première fois en 1979, à la sortie d’un conseil des ministres. "Elle avait un charisme, une force et puis ce regard !", se souvient Annick Cojean. "Ses yeux nous imposaient de ne pas mentir, on se devait d’être clair, honnête, sincère face à elle." Plus tard, elle aura l’occasion de l’interviewer longuement, notamment pour série d’été parue dans Le Monde, et dans laquelle des personnalités étaient invitées à parler de leurs parents.

Simone Veil ou la force d’une femme revient aussi sur des moments méconnus de la carrière de l’ancienne présidente du Parlement européen. "Il n’y a pas eu que la loi sur l’avortement, il fallait aussi parler de son enfance, de ce qu’elle a fait quand elle était dans l’administration pénitentiaire, dans l’administration civile, son travail sur le divorce et l’adoption", énumère Annick Cojean.

Et bien sûr : son passage dans les camps de concentration, à travers le souvenir d'une visite que les deux femmes ont faite, ensemble, au mémorial d’Auschwitz. "C’est évidement un moment fondamental, qui a tout fait basculer", insiste Annick Cojean. "Cette expérience des camps déterminera le reste de sa vie, même si Simone Veil est la preuve que l’on peut être résiliant et qu’avec une force d’âme comme la sienne on peut se reconstruire."