Stéphanie Bataille 8:50
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Ugo Pascolo , modifié à
Invitée d'Europe Midi, l'humoriste Stéphanie Bataille raconte comment l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière lui a interdit de dire adieu à son père, mort du coronavirus au début du mois de janvier. Une "aberration humaine" pour la fille d'Étienne Draber, qui a décidé d'en appeler à Emmanuel Macron pour que "l'humanité revienne au centre de notre société". 
TÉMOIGNAGE

>> Elle se bat pour la mémoire de son père, mais aussi pour "toutes ces familles endeuillées ou qui vont être endeuillées". Comme de nombreux Français, l'humoriste Stéphanie Bataille a perdu un proche des suites du coronavirus. Début janvier, son père, Étienne Draber, meurt dans l'unité Covid de l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière après avoir contracté le virus au sein de l'établissement. Entré pour une opération du cœur programmée au 14 décembre, qui s'est bien déroulée, l'acteur est en effet testé positif quelques jours après cette intervention et transféré dans l'unité spécialisée. Dès lors et jusqu'à sa mort, aucun autre membre de la famille de Stéphanie Bataille n'a pu revoir Étienne Draber, ni même lui dire adieu, les visites étant interdites dans les unités Covid. Invitée d'Europe 1 à la mi-journée, celle qui est également directrice déléguée du théâtre Antoine à Paris dénonce "une politique d'énarque" et raconte son combat pour que "l'humanité revienne au centre de notre société". 

"Sortez-moi de là, je vais crever"

Quand Étienne Draber est déclaré positif, "5 jours après avoir montré les premiers symptômes" du coronavirus, il se voit prescrire un antibiotique mais n'y réagit pas. Le corps médical prend alors la décision de le transférer dans l'unité Covid, située dans le pavillon Bottard. Mais quand Stéphanie Bataille demande à voir son père, on lui répond par la négative. Malgré tout, elle arrive à entrer en contact avec ce dernier au bout de quelques jours, "grâce à un écran qui appartient à l'hôpital géré par des jeunes qui font du service civique". Mais ces personnes n'étant sur place que du lundi au vendredi, la communication était impossible le week-end. "Une aberration totale sur le plan humain", juge l'actrice. 

"Quand on parlait avec lui, il nous disait 'faites-moi sortir, je vais crever, sortez-moi de là, je vais crever'. Les infirmières étaient en larmes et disaient que mon père était déprimé, qu'il ne voulait plus manger. Elles ont dit qu'elles allaient faire le nécessaire", mais l'interdiction est demeurée prioritaire, poursuit Stéphanie Bataille. Un isolement qui, elle en est "convaincue", a accéléré la dégradation de l'état de son père "au même titre que les gens se laissent mourir dans les Ehpad". Malgré l'interdiction, son frère a essayé "tous les jours de défoncer la porte [de l'unité Covid]", en vain. De son côté l'humoriste a dû rester en retrait, tout comme sa mère, après avoir attrapé le coronavirus.

"On n'a pas eu le droit d'assister à la mise en bière de notre père" 

"Évidemment, on ne serait pas allées l'embrasser, on aurait pu être habillées comme les infirmières et avoir une distance de deux mètres..." La situation a paru insupportable à l'actrice, "alors qu'on nous dit de prendre le métro et d'aller faire les soldes". "Et cerise sur le gâteau, on n'a pas eu le droit d'assister à la mise en bière de notre père" parce qu'il avait le Covid, ajoute Stéphanie Bataille tandis que sa gorge se noue brièvement. "Mais de quel droit ? Quand on meurt le virus n'est pas transmissible ! Un mort ne respire plus !"

"C'est de l'inhumanité" tacle-t-elle, rejetant en bloc la précaution sanitaire. "Il n'y a aucun respect [dans cette règle] qui vient des hautes instances. Arrêtons l'administration, cette politique d'énarque, arrêtons ! Si on ne rentre pas dans l'humain dans les jours qui viennent, ça va être une catastrophe. Je voudrais être le témoin de ces milliers de gens partis de façon indigne, avec des familles dévastées. Je ne veux plus que ces choses existent, je serai leur porte-parole jusqu'au bout. Je veux qu'il y ait de l'humanité !" martèle Stéphanie Bataille. 

Pour que son combat soit entendu jusqu'au plus haut sommet de l'État, Stéphanie Bataille a également adressé une lettre à Emmanuel Macron, missive publiée par le quotidien Le Figaro qui est pour l'heure restée sans réponse.