Selon Michel-Edouard Leclerc, il n'y a pas de pesticides dans les produits bios. C'est faux.
Le vrai faux l'info avec vous Géraldine Woessner. Et ce matin on s'intéresse aux pesticides. Alors il y a-t-il des pesticides dans le bio ?
Le gouvernement veut doubler d’ici quatre ans les surfaces agricoles consacrées à l'agriculture biologique en France, et le marché de l’alimentation biologique a le vent en poupe. Michel-Edouard Leclerc, le champion des prix bas, prévoit l’ouverture de 200 magasins bios : il y voit une façon de restaurer ses marges.
"Le consommateur est prêt à payer plus cher. Le bio, ça marche très bien parce qu’il y a une allégation sanitaire, de la sécurité, de la traçabilité. Il n’y a pas de pesticides."
Il n’y a pas de pesticides dans le bio. Vrai ou faux ?
C’est faux. Même si seuls un Français sur deux le savent : il y a des pesticides dans le bio, qui doit aussi lutter contre les ravageurs. 106 substances phytosanitaires sont homologuées en France pour l'agriculture biologique (Source : ITAB, Institut Technique de l'Agriculture Biologique), cela représente un pesticide sur 5. La différence avec l’agriculture conventionnelle, c’est qu’ils doivent être de source naturelle : pas de molécules de synthèse, donc. Mais naturel ne veut pas dire sans danger. On parle par définition de principes actifs, qui tuent les insectes, les champignons. Sur 68.000 tonnes de produits phytosanitaires vendus dans le pays en 2016, 27% étaient autorisées pour l’agriculture bio (et utilisées, également, par l’agriculture conventionnelle.)
De quels produits parle-t-on ?
Majoritairement de fongicides, comme le soufre, ou les dérivés de cuivre : très répandus, ils sont indispensables pour lutter contre le Mildiou de la vigne ou de la pomme de terre, ou la tavelure du pommier. Mais ils posent de vrais problèmes : le cuivre, un métal lourd, s’accumule dans les sols et détruit la biodiversité. Le Danemark l’a d’ailleurs interdit, mais en France, terre de vignobles, on tâtonne encore sur les solutions pour le remplacer.
Il y a aussi des micro-organismes, des phéromones qui perturbent les comportements sexuels des insectes, ou des huiles végétales, dont certaines sont des perturbateurs endocriniens avérés, comme l’huile de neem. Des insecticides, comme le spinosad, très dangereux pour les abeilles. Bref : 21 substances homologuées bio, selon l’ITAB, ont un facteur reconnu de toxicité, des limites sont établies, d’ailleurs, que les agriculteurs doivent respecter.
L’avantage de ces produits naturel, toutefois, est qu’ils se dégradent plus vite que les pesticides de synthèse. Ils partent avec la pluie, le soleil : on en retrouve donc moins de traces dans les aliments qu’on va consommer, mais on en retrouve tout de même. La dernière grande enquête de l’EFSA, l’agence européenne de sécurité alimentaire, a relevé des traces de 140 pesticides dans les produits bios qu’elle a analysés en 2015. 0,7% de ces produits dépassaient la limite résiduelle autorisée, contre 1,7% des produits issus de l’agriculture conventionnelle.
Est-ce que manger bio garantit d’absorber moins de pesticide ?
Oui. Parce qu’on en disperse infiniment moins sur les 6% de terres consacrées à l’agriculture biologique en France, et dans un cadre très défini (quand on ne peut pas faire autrement). Et puis les substances ne se valent pas : l’agriculture conventionnelle utilise des produits plus puissants, et parfois plus dangereux que d’autres.
Même si l’usage des substances les plus problématiques a été divisé par deux ou trois depuis 20 ans (c’est le cas du mancozebe, du folpel, de l’acétochlore…), ce n'est pas le cas pour toutes dont la consommation ré-augmente même depuis quelques années. Et la crainte d’un effet cocktail, induit par ces traces de pesticides qui s'accumuleraient dans l’alimentation, est réelle, même si les limites maximales résiduelles autorisées sont définies, en théorie, pour l’éviter.