Selon la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, il y a des usines dont la moitié des employés sont des intérimaires. Cela existe mais c'est rare.
Vrai Faux : le gouvernement menace de taxer les contrats courts.
L’idée de faire payer un malus aux entreprises qui abusent des contrats précaires fait son chemin. Les branches professionnelles ont jusqu’à la fin de l’année pour trouver une solution, sinon l’Etat pourrait intervenir, prévient la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
"J’ai vu des usines avec 50% d'intérim, on marche sur la tête, comment on fait la qualité ? Les salariés sont condamnés à la précarité. Aujourd'hui on a un système qui encourage la précarité."
Il y a des usines avec 50% d’Intérim. Vrai ou faux ?
Cela existe, c'est vrai, dans certains secteurs (comme les chantiers navals), et une poignée d’entreprises ont été condamnées pour cela. Maintenant, cela reste vraiment rare. Car le taux de recours à l’intérim ne flambe pas, au contraire : il est stable depuis 20 ans, et s’établit aujourd’hui, toutes entreprises confondues, à 3,2%. Certains secteurs bien sûr, y ont davantage recours : le bâtiment, l’industrie, mais les taux dépassent rarement 10%, et cela s’explique : l’intérim est un contrat d’ajustement, mais différent du CDD. On recherche un savoir-faire précis, dans des secteurs soumis à l’incertitude des carnets de commande, et qui ont perdu beaucoup d’emploi.
La durée moyenne des missions est de deux semaines, elle n’a pas bougé depuis 20 ans, et cela reste dans l’industrie la principale filière de recrutement : la majorité des entrées dans le métier se font par intérim. D’où la relative tolérance dont bénéficient, depuis longtemps, les entreprises qui possiblement en abusent, et l’inquiétude des autres face au projet du gouvernement. Pour embaucher en CDI, c’est une reprise durable qu’elles attendent.
Ce bonus-malus viserait surtout les recours abusifs aux CDD, beaucoup plus nombreux, et problématiques.
Leur poids dans l’emploi total reste stable (10% de tous les contrats), mais leur nombre a explosé, parce qu’on les fragmente. Les contrats signés sont de plus en plus courts (la moitié durent moins de 5 jours), et certaines branches, comme l’habillement, l’hôtellerie-restauration, les services sociaux ou l’audiovisuel, ont des taux de recours au CDD qui peuvent approcher 20%. Le système les y encourage. Le CDD d’usage (créé en 1982, il concerne une trentaine de secteurs), qu’on peut renouveler à l’infini, avec la même personne, sans payer de prime de précarité, représente 40% des embauches de tout l'emploi tertiaire.
Et il n’y a quasiment pas de contrôle, a dénoncé en 2015 l’IGAS. Les gens vont travailler quelques semaines, s’inscrire à Pôle Emploi, puis revenir travailler pour le même employeur. Les CDD (d’usage ou de droit commun) sont devenus, pour beaucoup d’entreprises, un véritable système de gestion. On fait porter à l’Unedic une partie du coût du travail, et ce coût est énorme : en 2015, les salariés en CDD ou en Intérim ont touché 11 milliards et demi d’allocations chômage, selon l’Unedic, mais ils n’ont versé, avec leurs employeurs, que 3,5 milliards de cotisations.
Un trou de 8 milliards, que financent tous les autres. Cela devient intenable pour l’Unedic, et c’est bien la raison pour laquelle le gouvernement menace d’agir. Gentiment, pour l’instant, en agitant ce bonus-malus, mais en laissant le temps aux branches professionnelles (d’ici la fin de l’année) de réfléchir elles-mêmes à d’autres solutions. Certains députés de la République en Marche, toutefois, voudraient aller plus loin, en s’attaquant aux défauts du système : ils souhaiteraient réviser les règles qui autorisent le cumul entre chômage et activité réduite, sans aucune limite de durée aujourd’hui.