Il avait juré en 2018 qu’il n’accepterait "jamais" d’être Garde des Sceaux. Deux ans plus tard, le célèbre et médiatique avocat Eric Dupond-Moretti a pourtant été convaincu par Emmanuel Macron de devenir ministre de la Justice, à la surprise générale, au sein du gouvernement de Jean Castex.
Avant d’embrasser une inattendue carrière politique, l’imposant et tempétueux pénaliste s’est construit un impressionnant CV dans les prétoires, gagnant même le surnom d’"acquittator". Figure populaire et volontiers "grande gueule", Eric Dupond-Moretti - qui a également multiplié les phrases polémiques, visant certains magistrats mais aussi le mouvement féministe #metoo -, suscite autant l’admiration que la controverse.
L’avocat de Balkany, Cahuzac et du frère de Mohamed Merah
L’ascension d’Eric Dupond-Moretti a tous les atours d’un roman à la française. Né en 1961, ce fils d’une femme de ménage d’origine italienne a débuté sa carrière à Douai, en 1984, et devient au fil des années l’un des avocats pénalistes les plus renommés du pays. Ses talents d’orateur et son physique de colosse font mouche dans les cours d’assises, lui permettant d’être à l’origine de dizaines d’acquittements dans des affaires parfois retentissantes.
En 2004, il accède à une notoriété nationale grâce à celui de la boulangère Roselyne Godard, l’une des 17 personnes accusées, pour la plupart à tort, de viols et d’agressions sexuels sur mineurs dans l’affaire d’Outreau. Eric Dupond-Moretti devient alors un "ténor" des barreaux et enchaîne les dossiers médiatiques et les acquittements, que ce soit pour Jacques Viguier - un universitaire accusé du meurtre de sa femme -, ou pour Jean Castela, accusé d’avoir commandité l’assassinat du préfet Erignac.
Une figure médiatique devenue ministre
Ces dernières années, il a également été l’avocat de Patrick Balkany et de Jérôme Cahuzac. En 2017, sa défense du frère de Mohamed Merah, le terroriste islamiste responsable de la mort de sept personnes à Toulouse en 2012, déchaîne les passions. "C’est le procès le plus difficile de ma carrière. J’en ai pris plein la gueule. On a dit que j’étais la honte de la profession", témoignera-t-il. Malgré la polémique et les critiques, Eric Dupond-Moretti l’assure : défendre Abdelkader Merah a été "un honneur".
Devenu une figure médiatique, il enchaîne les apparitions à la télévision et se produit même au théâtre, seul sur scène en 2019, dans la pièce "Eric Dupond-Moretti à la barre". Ses coups de colère et ses petites phrases assassines, notamment contre les juges, renforcent encore davantage son image de "grande gueule". "Je ne vais pas faire semblant de chanter les louanges de la magistrature : je me méfie de son corporatisme, de sa frilosité, de sa détestation qu’elle voue au barreau", tonne-t-il. Puis, plus récemment, il s’en prend au mouvement #metoo, trouvant "ahurissant" que "siffler une femme devienne une infraction pénale".
Désormais garde des Sceaux, le ténor des barreaux parviendra-t-il à mettre de côté son bouillant caractère et répondre à ceux qui s’inquiètent de sa nomination ? C’est à lui de le démontrer, à la barre du ministère de la Justice.