Ehpad 1:30
  • Copié
Mathilde Durand
Pour le personnel et les résidents des Ehpad, la situation est complexe, entre manque de protections, fatigue, déprime des résidents à cause d'un isolement strict. Laurent Garcia, cadre de santé dans l'Ehpad "Les quatre saisons" de Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, témoigne avec émotion du quotidien de son établissement. 
TÉMOIGNAGE

Foyers de personnes à risques, les Ehpad sont particulièrement vulnérables à l'épidémie de coronavirus. Ce mercredi, l'ARS annonçait déjà 570 résidents décédés dans la région du Grand Est et 411 établissements touchés par le coronavirus. Pour empêcher un drame sanitaire, les mesures de confinement sont strictes. Privés des visites des bénévoles et des proches, les résidents se sentent seuls. Laurent Garcia, cadre de santé dans l’Ehpad "Les quatre saisons" de Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, livre sur Europe 1 un émouvant témoignage de son quotidien. 

Des repas "portes à portes" pour rompre l'isolement

Florence Aubenas, grande reporter au journal Le Monde, s’est installée au sein de son établissement durant les onze premiers jours du confinement. Elle a publié mercredi un long article sur la vie à l’intérieur, qui rend hommage aux équipes de la résidence.

Dans l'article, on découvre à la fin que les équipes de l'Ehpad se demandent si les applaudissement à 20 heures sont aussi pour elles. "Ces applaudissements nous font du bien, c'est juste des applaudissements mais cela nous tire des larmes", confie pour sa part le cadre de santé, avec émotion. 

Laurent Garcia raconte un quotidien complexe. Il faut faire attention à s'assurer de la bonne santé des résidents, avec toutes les précautions nécessaires qui déshumanisent parfois la relation. Pour respecter les mesures de confinement, les personnes âgées sont isolées. Familles et bénévoles ne peuvent plus entrer dans les établissements. Un facteur de démoralisation pour les résidents, qui peut être grave à leurs âges. 

"Je pense qu’il faut être imaginatif, proposer autre chose. Mais c'est vrai que la fin du confinement m'inquiète énormément, parce que les résidents en chambre mangent moins, sont peut-être plus déprimés qu'auparavant. C'est difficile, du coup il faut de l'imagination, il faut créer d'autres choses comme des repas portes à portes. Au moins ils restent dans leurs chambres mais les portes sont ouvertes au moment du repas. Ils peuvent discuter entre eux, en criant un peu j'avoue, mais ça met de l'ambiance, ça fait rire et c'est comme ça."

Le combat pour obtenir des masques 

En première ligne, le personnel reste mobilisé mais manque encore de protection. Laurent Garcia raconte son combat les semaines précédentes pour obtenir des masques et des outils de protections pour ses équipes. "On gérait à flux tendu, les masques, les solutions hydroalcooliques. C'est moins un combat maintenant, mais cela a été très dur. Dire au personnel : 'Je ne peux pas vous protéger totalement', car un masque se change normalement toutes les 3-4 heures. Compter les masques, les donner au compte-goutte tous les matins, c'était terrible. Je suis cadre de santé, pas policier, je ne suis pas là pour compter. A l'heure actuelle, le personnel a des masques, mais cela a été douloureux angoissant, inquiétant".

Avec émotion, il raconte la solidarité du personnel, présent au travail malgré les risques. "Mes équipes je les aime profondément, oui c’est grave de ne pas pouvoir les protéger totalement", souligne avec émotion Laurent Garcia. "La direction et moi, on n'en portait pas. On ne voulait pas gaspiller."

Des écarts pour faire sourire les résidents 

Attaché à ses résidents, Laurent Garcia avoue faire parfois quelques écarts aux mesures strictes de confinement pour apporter un sourire au sein de l'Ehpad. "J'en fait tous les jours sinon ce n'est pas tenable, j'organise des repas à deux que j'appelle des repas d’amoureux, je sors un résident de temps en temps pour qu'il puisse faire des courses, mercredi j'ai fait venir une famille parce que cela me semblait important. Oui il faut en faire des écarts, c'est obligatoire, ce n'est pas une prison un Ehpad." 

Cette période difficile de confinement strict et d'inquiétude aura eu au moins un effet positif selon Laurent Garcia : redonner du sens aux familles, de la visibilité sur le travail des personnels en Ehpad. "Elles nous remercient tous les jours. On est plus une équipe, on est une famille. On fait tous le même boulot, s'il y a quelque chose de positif à retirer, c'est ça. On est soudé."