Hôpitaux en grève : "Toutes les promesses n’ont pas été suivies d’actes"

© Sameer Al-Doumy / AFP
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Les personnels des hôpitaux de France sont appelés à la grève, jeudi, pour réclamer plus de moyens, alors que la deuxième vague de l’épidémie de coronavirus déferle sur la France. Pour Sophie Crozier, ​neurologue à la Pitié-Salpêtrière et membre du collectif inter-hôpitaux, invitée es annonces du Ségur de la santé sont restées sans conséquences.
INTERVIEW

Le malaise n’en finit plus de persister dans les hôpitaux français. Moins de trois mois après le Ségur de la santé, et alors que la deuxième vague de l’épidémie de coronavirus frappe le pays, les personnels soignants sont appelés à la grève jeudi. Pour Sophie Crozier, ​neurologue à la Pitié-Salpêtrière et membre du collectif inter-hôpitaux, invitée d'Europe 1, deux faits expliquent la grogne : d‘abord des promesses qui n’ont pas été tenues, ensuite une situation extrêmement précaire depuis des années.

Le Ségur, un "échec complet"

"Il y a eu ces derniers mois des promesses qui n'ont pas été suivies d'actes et notamment concernant l'hôpital public", juge la praticienne. "Depuis novembre l'année dernière, Emmanuel Macron nous promet un plan massif pour l'hôpital public qu’on n’a toujours pas vu arriver. Malheureusement, cette crise n'a fait que révéler une situation qui était déjà extrêmement précaire, sur laquelle on alerte depuis des années. On se mobilise depuis plus d'un an et demi avec le collectif Urgence et le collectif Inter Hôpitaux. On ne le fait pas pour le plaisir, on le fait parce qu'on est dans une situation où on sait qu'on a des difficultés aujourd'hui à prendre bien soin des patients à l'hôpital."

Concernant le Ségur de la santé, qui a rassemblé pendant plusieurs jours les acteurs du secteur autour de la table, Sophie Crozier n’hésite pas à parer d’"échec complet". Les revalorisations salariales ne sont pas à la hauteur, on n'a pas du tout de démocratie en termes de gouvernance qui se profile réellement… ", énumère la neurologue. "On a besoin d'améliorer les conditions de travail des professionnels de santé. Pour tout ça, ça fait un moment qu’on fait des propositions. Rien n’est entendu, ou presque rien."

"Il faut qu'on arrive à redonner envie aussi au personnel hospitalier de faire ces métiers"

Pourtant, les professionnels de santé, hors médecin, bénéficient depuis septembre d’une revalorisation salariale pouvant aller jusqu’à 183 euros net par mois. "Le travail des soignants est un travail difficile", rappelle Sophie Crozier. "Aujourd'hui, on est dans les derniers pays de l'OCDE en termes de moyens, par exemple pour le salaire des infirmiers, mais c'est vrai pour toutes les autres professions avec des bas salaires à l'hôpital. On a eu besoin d'un Ségur pour faire ça ? On a eu besoin de plusieurs semaines ? On n'a même pas obtenu de rattraper la moyenne de l'OCDE."

Résultat, les candidatures manquent pour renforcer les hôpitaux. "Est-ce que vous pensez sincèrement qu'avec ce type d'annonce, les soignants vont rester les personnels hospitaliers dans leur ensemble ? Est-ce que vous pensez vraiment que les personnels sont susceptibles de rester à l’hôpital ? Vu le contexte et les conditions de travail ? Est-ce que ça va donner envie aux gens de venir faire ce métier ?", s’interroge-t-elle. "Il faut qu'on arrive à redonner envie aussi au personnel hospitalier de faire ces métiers. C'est un métier formidable, mais c'est un métier formidable si on nous donne les moyens."